dimanche 28 janvier 2018

Roh la barbe !


La barbe du hipster, la barbe du feignant, la barbe du salafiste

Le salafiste se cache dans sa barbe pour se montrer islamiste

L’islamiste se montre sans barbe pour cacher qu’il est terroriste

Le terroriste se plonge dans la taqîya pour couler le capitaliste

Le capitaliste se radicalise pour détruire le djihadiste

Le djihadiste se ramène pour narguer le droits-de-l'hommiste

Le droits-de-l'hommiste se vante pour jouer à l’humaniste

L’humaniste se plante pour emprisonner l’intégriste

L’intégriste se pavane pour marabouter le récidiviste

Le récidiviste se rase pour cacher qu’il est terroriste

Le terroriste se ceinture pour buter le capitaliste

Le capitaliste se meurt pour avoir écouté l’islamo-gauchiste

Le gauchiste se marmonne dans sa barbe pour se convaincre d’être humaniste

L’humaniste se targue de nous barber pour se croire spécialiste

Le spécialiste se montre pour se persuader spécialiste du terroriste



Le terroriste se marre dans sa barbe pour tuer à nouveau
le hipster, le feignant et même le musulman

Roh la barbe ces bien-pensants !

mardi 23 janvier 2018

Quelques coups dans le nez


Épuisés par ce dimanche passé à faire le tour du Kosovo dans une Mercedes noire Classe A aux vitres teintées, nous nous sommes écroulés sur nos lits dès notre retour dans un joli appartement de Skopje loué pour l’occasion. Après deux heures de sommeil profond, j'ai été réveillée par John qui est rentré dans ma chambre sans frapper : « Lady, dinner’s ready », avec un grand sourire de majordome. Toutefois, John est le seul Anglais parmi mes connaissances qui se comporte comme un Américain. Je le trouve cool, sans doute parce que je suis une femme. Car il incarne tout ce que les autres hommes détestent : bien foutu, sympa, belle voiture, jolie petite amie, vie faite de voyages immortalisés par des photos de lui torse-nu dans des endroits paradisiaques et systématiquement publiées sur les réseaux sociaux. Et donc viscéralement, inévitablement, Nathan ne peut pas le voir. Nathan, c’est le sosie d’Élie Semoun. Gaulé comme un sandwich SNCF, il mise tout sur l’humour et l’esprit, ce qui ne l’empêche pas d’être fondamentalement convaincu de sa supériorité intellectuelle et sociale. Ne pas montrer ses tablettes de chocolat à tout bout de champ ne fait pas de vous un type bien, mais ça, Nathan l’ignore.

Encore groggy par ma longue sieste trop courte, je me suis levée et dirigée vers la douche car Nathan et John étaient encore en pleine préparation du dîner. Bien décidée à utiliser l’ensemble des quelques vêtements que j’avais pu faire rentrer dans mon unique bagage cabine - ultra restreint à cause de la politique de cette compagnie aérienne hongroise, j'ai enfilé machinalement ma robe en dentelle noire taille zéro au sortir de la douche. Lorsque je suis entrée dans le salon comme si de rien n’était, John n'a justement pas fait comme si de rien n’était et m'a sifflé amicalement pour signifier son appréciation virile de ma tenue. Pendant le repas, nous nous sommes montrés tous ravis à l’idée de passer cette soirée en boîte un dimanche soir. Mon amie Svetlana, sympathique et voluptueuse estonienne en couple avec John, n’avait guère plus de tissu que moi sur le dos. Comme d’habitude, elle semblait agacée par les moindres faits et gestes de son compagnon. La nuit précédant notre départ de l’aéroport de Munich, j’avais dû dormir dans leur studio parce que mon Florian, mon hôte habituel lors de mes passages à Munich et l’organisateur de ce long weekend dans les Balkans, était trop occupé à se taper une amie de Brême – ma ville de résidence - que je lui avais présentée quelques semaines auparavant. Ma bonté me perdra. Quant à cette nuit passée à tenir la chandelle : l’horreur. Svetlana a été aussi insupportable avec son mec que sympathique avec moi, ce qui m'a retenu de prendre la défense de John au petit-déjeuner. Et « mets pas la valise sur le lit ! C’est là où on dort », et « Pourquoi t’ouvres une nouvelle boîte de gâteau ?! On en a déjà une d’entamée ! ». Quelle chieuse ! Un garçon aussi charmant...Bref.

Prêts à partir pour la soirée, j'ai découvert que Nathan avait vraiment des goûts vestimentaires douteux. Comme Svetlana le lui avait fait remarquer à son arrivée à l’aéroport, sa veste en cuir d’un marron qui ne pouvait venir que de l’URSS lui donnait une allure de mafieux russe. Curieusement, ma petite vanne sur le pas de la porte, « Ah non ! Hors de question que je marche à côté d’un mec avec un blouson pareil », l'a fait rire. Il est sympa ce Nathan, surtout avec les blondes de vingt ans de moins que lui. Après quelques dizaines de minutes de marche dans le doux hiver de Skopje, nous sommes arrivés devant la discothèque où les amies autochtones de Florian et Moritz, l’autre Autrichien de la bande, avaient réservé le carré VIP. Même si ces deux sœurs jumelles étaient très avenantes et sympathiques, je n'ai pas pu m'empêcher de dire intérieurement à la vue de ces caricatures de filles de l’Est. Maquillées comme des camions volés, elles avaient vraiment la panoplie complète de la « pute » slave dans l’imaginaire collectif des Européens de l’Ouest : faux-cils, talons de plus de dix centimètres, robe ultra courte, ultra moulante, tortillage du cul permanent et intérêt assumé pour l’argent. Lorsque l’une des deux a fait connaissance avec Nathan, elle a répondu spontanément à l’annonce du métier de celui-ci :
       « Ah ! Ça me plait ! 
 - Ben pourquoi ?
 - Parce que ça gagne bien. »


En ce dimanche soir, à l’heure où les rues, bars et autres lieux de divertissement d’Allemagne, de France ou même de Navarre sont généralement déserts, cette boîte était pleine à craquer. La soirée s'est rapidement sur-alcoolisée pour tout le monde, à l’exception d’un Français à lunettes qui est resté quelques heures seulement et dont j’ignore le prénom tant il était insipide. Moritz, le plus dragueur de tous, s'est montré naturellement porté sur les jumelles jusqu’à ce que Svetlana se charge de son cas. Vodka après vodka, la jeune femme a sérieusement chauffé le joyeux Moritz, frais comme un gardon. Le champ était libre pour elle : John, après nous avoir gratifié d’un bref éloge de mes sous-vêtements aperçus alors que j’étais allongée sur le canapé, puis d’une anecdote passionnante,  « I missed my flight once, but I had a good excuse. I was fucking my girlfriend for too long », avait déjà filé à l’anglaise depuis longtemps. Déchirée et visiblement déboussolée, Svetlana a alors mis le grappin sur Lucasz, un Polonais relativement hideux et particulièrement soporifique qui faisait également partie de la bande. Assise à califourchon sur lui, elle a commencé à se dandiner comme une mauvaise strip-teaseuse. Sa tête et tout le haut de son corps a vacillé comme hors de contrôle, et ce qui devait arriver est arrivé.

Les fauteuils du carré VIP de cette discothèque haut de gamme étaient en bois massif et le nez de Svetlana s'est écrasé violemment contre les moulures supérieures. Sans doute insensible à la douleur, elle a porté la main à son nez pour vérifier s’il saignait et Lucasz m'a regardé d’un air désespéré, comme si un homme ne pouvait se porter secours alors même qu’il n’était pas étranger à un incident. Malheureusement pour lui, j’ai beau être une femme, je partage avec le sexe fort la peur du sang. Sauvée de l’évanouissement par l’obscurité qui m’empêchait de voir le liquide redouté, je suis sortie malgré tout de la discothèque en catastrophe. Cette soirée était de toute façon bien trop folle pour moi et cela faisait déjà un moment que je ne m’amusais plus. Retenue par l’une des deux jumelles adorables qui ne voulait pas me laisser rentrer seule, je cherchais des yeux le premier taxi quand un autre Français insipide du groupe est apparu de nulle part, les mains en sang. Escorté par la troisième Française insipide du groupe, il était en proie à des chutes du Niagara nasales. Ils ont crié au videur « Why did you do that ? », mais n'ont récolté que des marmonnements prononcés dans la langue locale.  C'est là qu'une scène surréaliste devant la discothèque s'est offerte à moi. D’un côté, je voyais Svetlana en larmes dans les bras de notre fidèle ami Nathan. D’un autre, un petit groupe s’agitait : Moritz allait et venait sans savoir quoi faire, les deux Français essayaient toujours d’obtenir des explications auprès du Cerbère par le biais de la jumelle. Après quelques secondes de sidération, je me suis extirpée de cette macédoine de légumes bien trop riche en mayonnaise et j'ai sauté dans un taxi aux portes qui fermaient mal.

Une fois dans l’appartement, je pensais être définitivement sortie de cette hallucination trop réelle. Mais la mauvaise descente a continué. John est sorti de la douche avec une minuscule serviette autour de la taille et je l'ai informé de la situation. Il n’en avait concrètement rien à foutre.
        « Mais envoie lui un SMS !
      - Nan...Tu sais, Svetlana, c’est exactement mon type de femme, mais je sais pas ce qui cloche avec elle. On en a déjà parlé. Je lui ai dit que si elle voulait, elle pouvait aller voir ailleurs. Mais je sais pas ce qu’elle veut. Franchement, j’ai pas envie de lui envoyer un texto. Mais toi... » 
      À ce moment-là, sa serviette s'est mise à glisser à plusieurs reprises - comme par hasard - et il la rattrapait toujours au dernier moment. Me voyant tourner la tête à chaque fois, il a enchaîné : « C’est juste un corps masculin...Mais toi t’es une fille hyper sexy et t’en as pas conscience. Tu pourrais ramener n’importe qui dans ton lit. D’ailleurs, je suis surpris qu’il soit vide ce soir. » Je me suis bien gardée de l’informer que mon lit était même complètement vide la nuit dernière puisque j’étais dans celui de Moritz.

     Heureusement, le délire s’est arrêté au son de la sonnette couplé à des tambourinements hystériques contre la porte, et le rosbif s'est aussitôt retranché dans sa chambre. J'ai ouvert la porte et Nathan portait une Svetlana inconsciente, assisté dans sa besogne par Lucasz. Alors qu’ils étaient tous les deux assis sur le canapé et que Svetlana gisait au milieu, j'ai découvert à la lumière tamisée du salon des taches de sang et de vomi sur la fameuse veste de Nathan. Je ne savais pas si Svetlana était plongée dans un coma éthylique ou si elle dormait très profondément, mais quand Nathan a légèrement déboutonné le jean de mon amie, je lui ai immédiatement lancé un regard noir :
 « Tu fais quoi là ? 
             - C’est pour qu’elle respire. »
      Je n’avais jamais rencontré Nathan avant ce séjour et me suis excusée quelques semaines plus tard pour cette remarque. Car elle a par la suite constitué pour lui, dans un premier temps, un obstacle au début d’une belle et longue amitié entre nous.
     Rassurée à la vue de la jeune femme plongée dans un sommeil profond et paisible, je me suis inquiétée du sort du deuxième Français insipide. Lucasz était aux premières loges :
             « Je sais pas. Ils m’ont foutu dehors moi aussi. Et lui, ils l’ont frappé.
             -  Mais qu’est-ce que vous avez fait ?
             - Mais rien !
             - On frappe pas quelqu’un sans raison.
             -  Mais c’est le type le plus pacifique que je connais. Il a rien fait ! »
Bon. J'ai compris que je n’en saurai pas plus.

Le lendemain matin, tout était oublié. John a déboulé dans ma chambre, toujours sans frapper, avec une assiette de bacon à la main, « lady, breakfast’s ready ». Nathan a soudain éprouvé le besoin de prendre sa douche au mépris de notre retard et du taxi qui attendait en bas de l’immeuble. Dans la voiture, le Français insipide n'a rien dévoilé des causes de ses coups, mais gardait un bon souvenir de cette soirée malgré un nez sans doute cassé. Il y a des gens dont je ne comprendrai jamais le flegme – ou l’apathie – face aux aléas de la vie.

Après un vol marqué par de fortes turbulences dans un ciel suffisamment dégagé pour nous offrir le spectacle de la magnifique côte italienne, nous avons atterri à Memmingen, ravie pour ma part de pouvoir enfin dire adieu aux trois Français insipides ainsi qu'au Polonais hideux et soporifique. Dans la voiture en direction du centre-ville,  John et Svetlana semblaient réconciliés et apaisés. Décidément, les événements passés me sont progressivement apparus comme un simple cauchemar. Svetlana s'est contentée d’une brève allusion à cette nuit de folie pour décourager Florian, assis derrière elle, de lui caresser la tête en signe d’affection : « si j’étais toi, je ne ferais pas confiance à mes cheveux ».

John nous a déposés devant une station de métro et le trajet avec Florian a été encore plus silencieux. Je devais passer la nuit chez lui avant mon vol du lendemain pour Brême. Éreintés par le voyage et la nuit presque blanche, nous avons directement pris possession du canapé en arrivant chez Florian. C’est alors qu’une fenêtre de chat Facebook s'est ouverte. La gentille jumelle venait aux nouvelles. Oui nous avions fait bon voyage et espérions que sa sœur et elle allaient bien. Mais quand même, c’était maintenant ou jamais : « Demande-lui ce qu’il s’est passé hier ». La réponse de notre correspondante ne s'est pas faite attendre. « I asked my ex who works there. He told me the French kissed the Polish guy. We don’t do that here. »

dimanche 21 janvier 2018

Un 21 janvier


Je marchais à côté d’elle. Ses cheveux blonds si épais et soyeux, irréels, éclataient au soleil comme une perruque. Son tailleur bleu céruléen m’éblouissait de luxe et des talons de dix centimètres de haut affinaient un peu plus ses cannes. Elle souriait tout le temps et riait souvent. Un vrai délice de copine, cette brillante camionneuse provinciale cachée dans des tenues de Parisienne étriquée ! Son jeune mari ne me parlait pas, trop occupé qu’il était à diriger un pays indirigeable. Et puis cela tombait bien, car elle était plus funky. Nous nous moquions comme des gargoulettes de l’exercice du pouvoir, avec tous ces journalistes qui nous courraient après dans le parc. Et il y avait aussi ces gardes du corps, de sympathiques pots de colle. 

Peu à peu, j’ai délaissé Marie-Antoinette aux Tuileries, et me suis dirigée vers le Louvre avant de m’enfoncer dans la rue de Rivoli. Pourquoi était-elle déserte ? Aucune idée. Le soleil d’automne brillait dans un ciel à peine décoré de quelques nuages et mon léger blouson en cuir me tenait suffisamment chaud. Pas un groupe de Chinois. Personne. Avaient-ils sécurisé le quartier pour la sortie du couple royal ? Sans doute. En tout cas, Paris était touchante sans ses hordes d’habitants et de visiteurs qui la font vivre. Étrange de trouver une ville plus belle quand elle semble morte et ne s’offre rien qu’à soi. Ou normal. Après tout, l’Homme moderne est un touriste permanent et peu partageur qui hait les autres touristes...

Pourquoi s’est-il mis à pleuvoir sans même que le ciel n’ait eu le temps de s’assombrir ? Telle Lorenzo Lamas dans le générique du Rebelle, torse-nu sur sa bécane en plein soleil et vidant un bidon d’eau sur son visage, je n’étais même pas mouillée par la pluie. Mais bizarrement, elle me faisait plutôt mal, comme si elle agressait ma peau. Ou était-ce du vent ? Incompréhensible. Quelque chose me râpait l’épiderme alors que la pluie avait l’apparence d’un crachin breton tout doux. Heureusement, la confusion ne s’est pas éternisée. Elle a juste duré le temps que je revienne à Hambourg et ouvre les yeux pour tomber nez à langue avec la première, toujours fidèle au poste, à me souhaiter mon anniversaire.


J’ai officiellement une année supplémentaire à mon compteur et il y a 225 ans, on a exécuté ce pauvre Louis XVI. S’il avait su que plus de deux siècles plus tard, un gérant de start-up, pur produit de son époque, allait se prendre pour son ancêtre le roi soleil et se pavaner autour du Louvre avec sa cour, il aurait certainement perdu la tête !

lundi 15 janvier 2018

Au royaume de la mauvaise foi, les contre-sens et raccourcis sont rois


La meute est lâchée, elle a mis du temps à sortir du bois, mais ça n’était que pour mordre avec plus de vigueur. Les chantres autoproclamées de la liberté sexuelle à la sauce soixante-huitarde capturent le symbole fort du « manifeste des 343 » de 1971 en faveur du droit à l’avortement et, leur nombre réduit de deux tiers, publient un « manifeste des 100 » pour défendre la « liberté d’importuner ». S’il savait, ce pauvre castor serait déjà en train de ronger de rage le peu de bois qu’il reste de son cercueil décomposé par la nature. Rédigé par l’écrivaine Catherine Millet, célèbre pour avoir raconté sa vie sexuelle débridée par soumission à son mari, le texte fait froid dans le dos.

Ces personnalités ne défendent pas la liberté d’importuner – sous-entendu celle de draguer – mais veulent surtout exprimer leur refus de voir les femmes comme des victimes. Celles-ci ont le droit de considérer qu’un homme qui se frotte à elles dans le métro est l’expression d’une misère sexuelle et même un non-événement. Dans un élan empathique des plus touchants, Madame Millet a exprimé sur le plateau de Yann Barthès sa sincère compassion envers les frotteurs. Et les « victimes » ? Car au risque de décevoir ces femmes si fortes et exemplaires sur lesquelles nous devrions toutes prendre exemple, nous les pleurnichardes, une femme sur laquelle un homme se branle sans le consentement de celle-ci est une victime. Non, cela ne peut pas « être considéré comme un délit », c’est un délit. Et même si la loi est rarement appliquée dans le cadre d’agressions sexuelles, ces grandes dames n’ont pas à réécrire le droit. Ce n’est pas un non-événement, mais un bel et bien un événement, traumatisant qui plus est. Alors ces victimes ? Bah non ! Aucune compassion pour elles car elles n’en sont pas, et puis merde ! Qu’elles arrêtent de pleurnicher !

Facile à dire pour les 100, car heureusement pour elles, ces bourgeoises ne prennent pas le métro et sont de toute évidence bien trop âgées pour que les prédateurs sexuels, avides de chair fraîche et si possible adolescente, ne s’intéressent à elles. Mais dans leur jeunesse ? Au risque d’être directe et ultra-polémique, je pense que la société s’est depuis largement dégradée et que ces agresseurs sont en majorité des hommes non blancs. Rendons à César ce qui est à César et soyons intellectuellement honnêtes : Elisabeth Levy avait fait la même analyse. Je confirme, et le reportage choc d’Envoyé Spécial sur le harcèlement de rue le confirme également. Ce dernier phénomène n’est en aucun cas à mettre sur le même plan que les agressions sexuelles, mais dans les deux cas, les auteurs dans l’espace public ont selon moi le même profil.

Cela n’enlève rien au fait que les auteurs de violences physiques et sexuelles faites aux femmes ont toutes les couleurs de peau possibles et que DSK, Weinstein, Rozon et compagnie ne sont pas de pauvres descendants d’immigrés. Au contraire, puisque leurs agissements, et surtout la perpétuation dans le temps de ces derniers, s’expliquent par leur position générale de pouvoir et d’ascendant sur leurs victimes.

Parenthèse refermée, revenons-en à notre « manifeste des 100 ». L’immédiateté régnant dans notre époque ultra-médiatique n’a pas eu les conséquences habituelles dans l’affaire Weistein, à savoir on tape, on tape, et on oublie. Il y a eu #MeToo dans le monde et #BalanceTonPorc en France, soit une immense libération de la parole des femmes et une prise de conscience pour les hommes sincères et respectables qui ignoraient tout jusqu’ici. À peine la parole libérée, des voix se sont élevées contre l’horrible délation favorisée par #BalanceTonPorc, ne reculant devant rien, même pas devant un bon vieux point Godwin. Les pauvres prédateurs sexuels soupçonnés d’aujourd’hui seraient les juifs d’hier. Passons. Mais ces individus ont-ils au moins parcouru au hasard un échantillon de ces témoignages ? Évidemment que non, car s’ils l’avaient fait, ils se seraient aperçus qu’une infime minorité d’entre eux balançait effectivement des noms. Et quand bien même ? Parmi cette infime minorité, on peut imaginer qu’une minorité encore plus infime de femmes ait envie d’afficher des actes de l'ordre de l'intime, simplement « régler ses comptes ». Au royaume de l’immédiateté, pas le temps de s’informer, autant foncer en prenant des raccourcis, quitte à raconter n’importe quoi. Par ailleurs, l'argument consistant à dire qu'il y a des tribunaux pour juger de cela et qu'ils ne doivent être remplacés par le tribunal de Twitter est contestable dans la mesure où très peu de plaintes pour agressions sexuelles aboutissent. Autre critique des plus fines : #BalanceTonPorc, c’est pas élégant, c’est dégueulasse comme formule ! Moui. Bien plus écœurant que les agissements qu’elle dénonce...

Les erreurs d’interprétation et/ou de hiérarchisation des détracteurs de ce mouvement de libéralisation de la parole des femmes sont affligeantes de bêtise. Or ces signataires soi-disant intelligentes sont les premières représentantes de cette bêtise. Au royaume de l’immédiateté et de l’hystérie du moment, les contre-sens sont rois.

Mesdames veulent défendre la liberté de draguer, mais personne n’avait remis cette liberté en cause. J’irais même personnellement jusqu’à dire que les hommes ont un devoir de séduction envers les femmes qui leur plaisent. La séduction, la drague, se définissent par la recherche même du consentement. Et puisque ce mouvement de dénonciation portait sur les agressions et le harcèlement sexuels, il n’a par définition rien à voir avec la séduction, car les agissements mis en exergue se construisent dans la négation du consentement.
Un grand merci à ce pseudo-intellectuel de Yann Moix qui confirme ma thèse du raccourci en accompagnant le plus sérieusement du monde son compliment à Victoria Abril par un « On n’a plus le droit de dire ça à une femme parce que c’est devenu insultant, mais je vous trouve d’une immense beauté. Alors après on a les féministes contre soi quand on dit à une femme qu’elle est très belle. » Je pense qu’on peut attendre longtemps avant qu’il ne soit capable de citer un seul exemple de tels propos tenus par des féministes. Contre-sens absolu que d’associer la dénonciation des délits et crimes sexuels à la fin de la drague, voire du compliment pour les détracteurs les plus bêtes.

Mesdames veulent lutter contre le puritanisme ambiant, mais sachez que ce sont les comportements mêmes des prédateurs sexuels qui nous poussent à nous vêtir et à agir comme des nonnes. Plus ces derniers seront punis, plus nous nous sentirons suffisamment en sécurité et être enfin plus libérées. La brutalité des comportements sexuels masculins archaïques – droit de cuissage - est le contraire d’une sexualité libérée. Ces soixante-huitardes sont pourtant bien placées pour savoir que le féminisme – dans le sens de recherche de l’égalité entre les sexes - conduit inévitablement à une libération des mœurs dont les hommes ne sauraient bouder les bienfaits. Contre-sens absolu que d’associer la dénonciation des délits et crimes sexuels à la fin de la liberté sexuelle.

Mesdames ne veulent pas une « guerre des sexes ». Or comme cela a été démontré plus haut, on souhaite l’harmonie entre les sexes, et non une quelconque guerre entre eux. Le principe de tout ce bruit et de toute cette fureur était d’évoquer les abus de certaines brebis galeuses dans le troupeau d’un genre entier. Contre-sens absolu que d’associer dénonciation des délits et crimes sexuels à l’avènement d’une guerre des sexes fantasmée, d’autant plus que la guerre des sexes, c’est elles. Je m’explique : ces femmes dites fortes sont les mêmes qui vous pourrissent la vie à l’école et en entreprise parce qu’elles détestent et/ou jalousent les autres femmes et se placent systématiquement du côté des hommes, de TOUS les hommes. Pourquoi ? Parce qu’elles ne supportent pas les femmes dites faibles, victimes, souvent plus jeunes, et qui ne leur apportent rien. L’intérêt – économique ou de prestige – réside à leurs yeux du côté du pouvoir, quitte à singer les hommes – plus précisément l’idée de domination et de supériorité qu’elles s’en font – pour mieux cracher sur ces pleurnichardes. Le manichéisme des sexes, c’est elles ! Car les hommes ne sont pas tous d’horribles machos dominateurs – auxquels elles se soumettent avec plaisir - et les femmes ne se considèrent pas toutes comme des victimes.

Mais pourquoi attendre le moindre discernement de la part d’une tribune dont la figure de proue a jugé « immonde » « l’acharnement contre Harvey Weinstein », sans parler de la gamine violée par Polanski « qui ne faisait pas son âge » et « avait été amenée par sa mère » ? Les hommes à la fois respectables et gênés par tous ces emmerdements en ont bien profité pour sortir du bois eux-aussi, Pascal Praud et Olivier Marshall dénonçant les torrents de boue que s’est pris la grande Saint-Catherine sur les réseaux sociaux. La pauvre ! Ses deux Césars devraient l’autoriser à défendre un violeur, un pédophile et les frotteurs du métro sans que la vox populi ne s'en émeuve.

En conclusion, ces braves dames n’échappent pas malgré leur grand âge à la mauvaise foi déformatrice dans laquelle notre société ultra-informative se perd, au profit d’immenses raccourcis et contre-sens, au mépris d’analyses pertinentes et rigoureuses.

dimanche 14 janvier 2018

Les 3 habitudes qui ont transformé ma vie

Cet article participe à un carnaval d’articles inter-blogueurs ayant pour thème : « Les 3 habitudes qui ont transformé ma vie » organisé par Guillaume Blondel du blog S’épanouir au quotidien. En cliquant sur le lien suivant, vous pourrez découvrir d’autres articles répondant au thème les 3 habitudes qui ont transformé ma vie.




            1. Jouer de la guitare tous les jours


Je me suis toujours considérée comme quelqu’un souffrant d’un certain manque de discipline et d’un goût prononcé pour la procrastination. J’ai beau écrire régulièrement pour mon blog, il n’en reste pas moins que je n’avance pas dans mon véritable projet d’écriture : un roman.

Or je rééquilibre mon manque de persévérance dans ce domaine depuis que je me suis mise à la guitare il y a environ trois ans. Apprendre un instrument à l’âge adulte n’est pas chose aisée, surtout lorsqu’on n’en maîtrise aucun autre. Et comme si cela ne suffisait pas, j’ai choisi un instrument plutôt ingrat qui demande beaucoup plus de patience que le piano par exemple. Je me souviens du début, cela m’a pris des semaines – si ma mémoire est bonne – avant de pouvoir jouer correctement un accord de la et de ré. Je ne pouvais même pas jouer trop longtemps à cause des fameuses douleurs aux doigts. Puis, les callosités se sont formées et j’ai passé la première étape, la deuxième, la troisième, etc., de plus en plus rapidement.

La clef : jouer tous les jours !  Cela ne sert à rien de jouer un soir pendant des heures si vous ne touchez pas la gratte les jours suivants. Même pour quelques minutes, jouez tous les jours dans le but de faire travailler votre mémoire musculaire. La douleur, l’ennui, voire l’agacement mettront quelques mois avant de laisser place au plaisir de jouer, mais une fois celui-ci installé, vous prendrez même du plaisir à aborder un nouveau morceau ou de nouveaux accords. En effet, vous le maîtriserez plus rapidement car la vitesse de progression est exponentielle. Par ailleurs, votre interprétation d’un morceau inconnu est bien moins catastrophique après quelques années de pratique qu’au début de votre apprentissage !

Ma guitare me manque lorsque je pars en vacances pendant plusieurs semaines et je paie le prix fort au retour puisque je dois reformer mes callosités. Autre avantage de cette discipline quotidienne : tout comme le sport, elle vous vide la tête car vous devez vous concentrer uniquement sur ce que vous êtes en train de faire.


           2. Faire mes propres jus de fruits


C’est une habitude symbole d’une nouvelle hygiène de vie. Depuis mes années d’étudiante, j’ai longtemps été une adepte de la « junk food » et détesté cuisiner. Je préfère toujours consacrer du temps à la lecture ou à d’autres activités plutôt qu’à mijoter de bons – dans le meilleur des cas - petits plats, notamment parce que je vis seule et que je ne vais pas me transformer en fée du logis du jour au lendemain.

En revanche, j’ai appris à apprécier des plats simples à préparer, des salades, etc., le tout avec des produits frais du marché. Je ne saurais dire quand tout cela a commencé et ne me rappelle pas avoir eu le moindre déclic. Peut-être le fait de gagner en âge tout doucement, une envie de prendre son temps et d’avoir une meilleure hygiène de vie, donc de manger mieux. Aujourd’hui, je ne me souviens pas avoir mis les pieds dans un fast-food récemment, et même si je le fais encore, autant vous dire que manger des plats surgelés ne met pas mes papilles en émoi.

Alors oui, je prépare mes propres jus de fruits car je décide moi-même de la quantité de sucre à ajouter pour qu’ils soient buvables et surtout parce que, encore une fois, c’est meilleur. Ça a bien plus le goût d’orange ou de pamplemousse qu’un jus de supermarché, pardi ! Petite astuce de quantité : 3 oranges et 1 citron  - mon jus quasi-exclusif - ou 2 pamplemousses et 1 orange.


              3. Ne plus regarder de bêtises à la télé ou sur le Web


L’envie – le besoin ? – de se divertir et de se détendre n’est pas une excuse. Comme l’a honteusement avoué Patrick le Lay, alors directeur des programmes de TF1 il y a une quinzaine d’années, les programmes ouvertement débiles qui passent en soirée à la télévision ont pour but de « vendre du temps de cerveau humain disponible aux annonceurs ». Tout est dit et je n’ai pas envie de prendre un ton moralisateur – oups, trop tard - pour analyser cette phrase car si vous passez dans le coin, c’est que vous avez un minimum de curiosité et d’esprit critique.

Mais au-delà de l’effet d’abrutissement de ces programmes, il y a le simple facteur temps. Le temps passé devant la boîte à troubadours hypnotisante, c’est du temps perdu, des heures pendant lesquelles vous auriez pu lire un bon roman, un bon essai, boire un verre avec vos amis ou que sais-je encore. Une fois de plus, je n’ai eu aucun déclic. J’ai toujours lu ET regardé des programmes totalement débiles à la télé (pas en même temps, cela va sans dire !), mais j’ai progressivement rayé la deuxième option au profit de la première. Je n’ai jamais inscrit au milieu de quelconques résolutions annuelles ou d'objectifs « ne plus regarder bla bla bla ». L’arrêt – le sevrage ? – est venu naturellement.


Quant au Web, et bien c’est encore pire ! J’ai passé des après-midi entiers perdue dans les recoins les plus obscurs de YouTube, à regarder des « Tellement Vrai : je suis amoureux de moi-même ». Je souffrais également – et je ne suis pas complètement guérie – d’une légère dépendance vis-à-vis de Twitter, car on peut dire ce qu’on veut, mais on s’y marre bien. J’ai toutefois bien levé le pouce du smartphone et je peux vous dire que j’emploie mon temps libre à des activités intellectuellement et humainement enrichissantes. J’ai lu plus de livres en 2017 qu’en 2016, j’ai écrit plus d’articles pour mon blog et j’ai rencontré plus de gens, notamment parce que j’ai dû me débarrasser de mes amis pourris, mais ça c’est une autre histoire J

samedi 13 janvier 2018

Millenial's song
















Non ! Je ne quitterai pas ce lit
Bien sûr, je vais me redresser
Caresser mes sacrés de Birmanie
Et vaguement travailler

Mais quoi ?
Pourquoi courir comme les autres ?
Ma vie n'est pas la votre
Je suis le seul maître de mon toit !

Je me lèverai pour l'élémentaire
Les joyeuses tâches ménagères
Et me recoucherai aussitôt
Pour me perdre dans des vidéos

Mais quoi ?
Pourquoi franchir le pas de la porte
Voir ma vieille voisine en culotte T-shirt
Et rentrer pétri d'effroi ?

Je ne devrais pas m'infliger tant d'horreur
Le monde est trop cruel
Il exige une retraite perpétuelle
Ou le temps que ce souvenir se meurt

Mais quoi ?
Pourquoi faire semblant d'"avoir une vie"
Et risquer à nouveau d'être trahi ?
La société ne me dictera pas sa loi !

Mon confort vaut bien la dictature du paraître
Non, je ne ferai pas semblant d'être heureux
Sur Facebook, Insta et autres réseaux creux
Pas la peine, car je le suis de tout mon être.


dimanche 7 janvier 2018

La chevauchée acide



Je chevauche ma licorne bleu, rose et jaune aux reflets violets. Un léger coup de pied contre son flanc et ses sabots en mousse se mettent à rebondir de plus en plus fort sur le sol dur et sec de l’immensité désertique. Et c’est parti pour la chevauchée de la Walkyrie peace and love ! J’ai confiance en ma monture et sais qu’elle me mènera au meilleur. Il fait chaud et le souffle de la vitesse transforme la température écrasante en atmosphère voluptueuse. Des enceintes géantes installées entre mes oreilles diffusent tour à tour les classiques des Pink Floyd, de Santana et de Janis Joplin. « Take another little piece of my heart now, baby ». Je me force à ouvrir mes yeux fermés par toute cette musique sublime pour admirer le reg. Le soleil est au plus haut et fait ressortir avec majesté l’ocre de la terre parsemé du gris ardoise des pierres. Ce même sol aride s’étend à perte de vue, de temps à autre agrémenté de hippies multicolores en route sur leur licorne, en pleine activité de copulation ou d’aspiration de calumets pendant que leur palefroi à la guimauve reprend son souffle.

Le chemin vers le meilleur semble infini. Peut-être est-il éternel ? J’ai déjà oublié où il a commencé. Quant à l’heure de mon départ, elle me paraît aussi improbable que celle de mon arrivée. Peu m’importe, je sais que mon guide connaît notre parcours comme sa corne. Le temps a disparu et le soleil ne veut plus s’abaisser. Je ne transpire pas et aucune sensation de soif ou de fatigue ne se manifeste. Même le plaisir charnel du souffle a disparu. Mon corps se fait oublier : je ne suis qu’esprit en déplacement. Un esprit composé de particules musicales et de reconnaissance envers dame nature.

Ce n’est qu’au moment inattendu de l’arrêt de ma licorne que ma substance prévient mon essence de sa présence. Je descends alors de Cockie et m’écroule lentement sur le sol caillouteux. Mon corps s’est engourdi pendant le long trajet. Le temps que je reprenne peu à peu conscience de ma matière charnelle, le soleil disparaît et Cockie s’allume pour m’éclairer. Par ailleurs, ma combinaison ample 100 % polyester avec un imprimé de cercles rouges et bâtons vert Granny Smith se révèle phosphorescente. Enfin je reprends tout à fait possession de mon corps et caresse la corne de Cockie de la base vers la pointe en signe de remerciement pour ses efforts. Avec son humilité légendaire, elle me répond « de rien » en tapotant sa longue tête contre ma joue. Des sons apaisants d’animaux me parviennent. Les susurrements des grillons de mon enfance nordiste ont été remplacés par les gémissements stridents de petits oiseaux de nuit dont j’ignore autant le nom que l’apparence. La fatigue se fait sentir d’un coup et mes enceintes intérieures ont à peine le temps de me jouer une berceuse rose « So, so you think you can tell, heaven from hell »...

Réveillée par les oiseaux de jour chantant l’arrivée du soleil pourpre, je souris à la vue de ma paisible Cockie blottie contre moi. Soudain, les propriétés de la terre du meilleur se mettent en branle et Cockie tremble de plus en plus fort. Inquiète puis confiante, j’attends la fin du processus quelque peu déroutant. La corne de mon destrier si fidèle tombe quelques centimètres plus bas, sa tête se secoue au rythme de son rétrécissement et de son adoption de traits humains. Sa crinière se compacte avant de se boucler et tout son être est pris de violents spasmes rythmant la formation de chacune des parties du corps humain. La métamorphose est terminée.

Dès les premiers instants de l’épopée, une confiance aveugle en Cockie avait pris possession de moi. Mais alors que je pensais être bien arrivée au meilleur, je me dis que ce n’est pas la confiance qui aurait dû être aveugle, mais moi-même ! Car cette abrutie de licorne s’est transformée en un mâle humanoïde dégoûtant : le visage de Woody Allen greffé sur le corps d’Harvey Weinstein. Coup de chance dans mon malheur, la bête est tellement grasse qu’on ne voyait pas ses attributs. Dans un élan de rage plus que de désespoir, et consciente qu’il faut jouer la montre pour éviter que cette grosse chose immonde ne me saute dessus, je saisis rapidement une lourde pierre et assomme Woody Weinstein. Il meurt sur le coup. 

Je fends alors à toute berzingue le reg de ma combinaison de madone déglinguée en direction du premier groupe de hippies trouvable. Pendant ma course mystique, j’en conclus que Cockie ne m’a peut-être pas menée au meilleur, mais elle ne m’a pas non plus offerte au pire. Seigneur vaudou, pardonne-moi mes offenses, car j’ai délivré les femmes du mal.


samedi 6 janvier 2018

La claque de bienvenue



Le sourire aux lèvres et les dents prêtes à rayer le parquet, la voilà le cœur léger et les bagages minces dans cette jungle de béton aux gratte-ciel mangeurs d’humains. On n’a pas tous les jours vingt ans, ça nous arrive une fois seulement, qu’elle disait l’amie Berthe, et  il fallait que la gamine en profite.  « À nous deux la grande ville ! », s’était-elle dit dès le premier jour.
Et elle a enchaîné les nuits folles, avec toujours suffisamment d’alcool, mais jamais trop, car elle ne voulait pas se faire dévorer par les ogres qui avaient fait l’objet de tant de mises en garde par son papa. Pourtant, le JT de France 3 Limousin n’avait pas su l’avertir du danger de l’amour amer de la ville. Alors ce qui devait arriver est arrivé, et la belle plante a eu le coup de foudre pour un tombeur aux yeux clairs. Il était plus beau que beau parleur, et surtout,  à l’aise « dans le monde » ! Elle était si timide, car l’excitation de l’inconnu ne remplace jamais le désarçonnement premier,  et s’est tout de suite laissé impressionner par l’homme viril et sûr de lui. La jeune fille ne manquant pas de caractère et le bourreau de son cerveau n’étant pas vraiment chaud pour lâcher du lest, une relation passionnelle s’est installée dès le départ.

Pas une visite chez l’un ou chez l’autre sans dispute et promesse de rupture. Et comme on répétait depuis vingt ans à la bougresse qu’elle avait la tête dure, elle a rapidement mis son cerveau en veille et ignoré l’évidence : le problème c’était lui. On appelle ça un pervers narcissique. Si vous prenez une liste des données techniques du manipulateur pervers pour les comparer à celle de la bête en question, vous devrez tout cocher. Oui, tout collait. Inutile de rentrer dans les détails psychiatriques, mais pour faire court, il était séduisant, donc irrésistible, menteur, coureur, retournait tout contre la gonzesse pour qu’elle culpabilise. L’entreprise de manipulation permanente était vouée à la réussite grâce à une seule chose : la pauvre fille était dans une situation d’infériorité puisqu’elle découvrait la jungle et que lui se balançait sur sa corde d’un arbre à l’autre avec l’assurance d’un méchant Tarzan. Partant de ce constat, le mauvais bougre n’avait plus qu’à réduire l’ego de sa Jane à tous les niveaux possibles pour qu’elle lui soit chaque jour un peu plus docile. De ses proches à ses origines, en passant par son accoutrement et sa sensibilité musicale, tout y passait. Le plus cruel était les comparaisons permanentes avec les autres femelles de la forêt hostile. Elles étaient décidément toutes plus belles, selon lui. Et les détails fusaient ! La gamine a failli y croire totalement : elle était moche et ne faisait pas le poids face à toutes ces reines de la jungle, toutes plus fortes et mieux parées qu’elle. Sans sa belle tripotée de prétendants, elle en aurait été convaincue pour toujours.

Car Jane avait fort heureusement une vie bien remplie en dehors du mâle, et elle a rencontré des compagnes et compagnons forts sympathiques. Bien entendu, Tarzan n’aimait pas trop ça. Comme tous les sombres énergumènes de son genre, il était incapable de nouer des liens, et c’est précisément pour cela qu’il était tombé amoureux d’une lumière. Mais peu importe, le travail, meilleur divertissement pascalien et rempart contre les passions tristes, a eu raison de cette folie en envoyant la fleur à demi fanée s’épanouir à nouveau dans une autre jungle plus petite. Sauvée !
Après tout, elle n’a pas été la première et ne sera pas la dernière fleur de province à se faire avoir par le polluant citadin. Espérons toutefois que cette mésaventure ne l’ait pas transformée en...


jeudi 4 janvier 2018

Le rejet

Tu te souviens ? Le repas à la cantine en tête à tête avec le vide, les récréations passées  dans les toilettes pour t’oublier et te faire oublier, la soirée de l’année où tout le lycée était invité, sauf toi bien entendu. Puis sont arrivées les moqueries et le harcèlement sur les réseaux sociaux. En même temps tu l’avais bien cherché car transgresser les clous se paye tôt ou tard : que tu aies un sale caractère et une mine renfrognée pour cacher ta sensibilité, que tu ne portes pas des fringues de marques comme il faut ou que tu sois de nature timide, la société ne le tolère pas. La ligne rouge à ne pas dépasser est celle de la différence, aussi minime soit-elle, et bien évidemment des signes de faiblesse. Le jugement divin est toujours là. BigBrother is watching you. Ne pas être à l’aise en société sans parvenir à se forcer, rejet. Ne pas sourire, rejet. Etre trop timide pour regarder les gens dans les yeux, rejet. Etre le premier de la classe et chouchou des profs, rejet. Etre nouveau, étranger, rejet. L’inhabituel se transforme en soupçon aux yeux des autres et le louche se rejette par un mécanisme de protection vitale.
Car la petite société, quelle qu’elle soit, ne survit qu’en éliminant ce qui pourrait mettre en branle ses petites règles arbitraires et gravées dans le marbre : parler fort (être fort), sourire en toutes circonstances (ne pas laisser transparaître ses dangereuses émotions potentiellement contestataires, être fort donc), ressembler à la masse (la différence est souvent perçue comme un signe de faiblesse, tous les régimes totalitaires ayant tenté de l’éliminer pour préserver la force de leur peuple), avoir les mêmes goûts que les autres (être ringard ou décalé est encore une fois non acceptable). Comme toute société primitive, les microsociétés humaines aux apparences civilisées éliminent naturellement les faibles et différents. Plus besoin de les tuer, la civilisation a trouvé des solutions bien plus propres : la moquerie, l’humiliation et quelquefois l’ignorance. Autant de ramifications du rejet. Bien évidemment, certains milieux restent sur la bonne vieille ligne de la violence et du tabassage, forme la plus aboutie de l’humiliation.
Ironie de l’histoire, les sociétés humaines veulent se préserver en niant les individualités, et donc l’humanité !



Alors tu l’as connu le rejet, trop bien connu. Toute cette souffrance maculée de larmes sacrifiées sur l’autel du devenir-adulte pour aboutir à un être pas vraiment accompli et encore moins confiant envers lui-même et les autres. Car non, ce qui ne tue pas ne rend PAS plus fort, il affaiblit. L’enfant ou adolescent trop rejeté ne se transforme qu’en  adulte semblable à un petit animal blessé, tellement sur la défensive qu’il en devient agressif. Or un Homme ne demande rien d’autre que d’être aimé et accepté, et même si la victime du rejet se complait bien souvent dans sa position d’être maudit car supposé supérieur, un jour viendra où elle relâchera la bride de la méfiance et s’adonnera à des relations amicales, voire amoureuses. De par ses lacunes irrécupérables en attention, la personne attendra alors de toute relation qu’elle comble les crevasses du passé. Cela étant impossible, la déception n’en sera que plus intense, le bon vieux sentiment de rejet s’emparera alors de tout son être et tandis que les autres animaux non blessés mettront un certain temps à s’en remettre, l’adulte fragilisé par sa jeunesse mettra un temps certain à oublier l’amour non réciproque, la trahison ou la rupture. Le cercle vicieux se boucle alors. L’être déjà fragilisé a souffert d’un nouveau rejet, mettra encore plus de temps à refaire confiance, ses attentes placées dans une relation seront amplifiées le jour où il accordera enfin sa confiance, et il souffrira le martyre au moment du couteau dans le dos. Tandis que les « finis », les « normaux » ne remettront pas tout leur être en question face à l’inévitable rejet, du moins pas durablement, les « brouillons », les « écorchés » s’écrouleront.

Tu dois vivre avec, petit chat, et prendre conscience de ton passé douloureux et de ses conséquences dans tes rapports trop passionnés et exigeants avec les autres n’y changera rien. Comment veux-tu faire confiance plus facilement, avoir des attentes réalistes vis-à-vis de ceux qui croisent ton chemin et vite oublier les déceptions alors qu’il manque des pièces dans la charpente ? Elle n’est pas solide et menace de s’effondrer au moindre souffle du loup de la cruauté humaine.
Alors pour te rassurer, ne serait-ce que quelques instants, je vais te donner une astuce éprouvée : regarde ce que sont devenus les filles et garçons populaires de ton collège/lycée ? Ne trouves-tu pas qu’ils ont vieilli plus vite que toi et qu’ils ont objectivement raté leur vie ou accédé à une réussite peu enviable ? Un indice pour t’aider à répondre à la question : le nombre de photos de sourires sur les réseaux sociaux est proportionnel au pathétique de leur vraie vie cachée.

Tu vois, ça marche. Et n’oublie pas que le vilain petit canard se transforme en cygne, animal très méchant - caractère dû à son passé d’oiseau aquatique rejeté à cause de sa laideur-, mais gracieux et admiré de tous. Tant qu’à faire, prends !

Bibliographie :

Sur le Rejet :
Kafka, Kafka et Kafka !
La métamorphose, mais surtout Le Château, Le Disparu et bien sûr Lettre au père pour comprendre la source du mal

Sur l’humiliation organisée et laissant présager des pires horreurs de l’Histoire de l’humanité :
Les Désarrois de l'élève Törless, Robert Musil

Sur le rejet et la violence d’un certain milieu :
En finir avec Eddy Bellegueule, Edouard Louis

Sur la différence et le rejet menant à l’errance, à la misanthropie, mais surtout au cygne (en l’occurrence, littéraire)
L’Attrape-cœurs, J.D. Salinger

Sur le rejet parental, quelques humiliations de la part des autres enfants et leurs conséquences sur la personnalité adulte :
Les particules élémentaires, Michel Houellebecq

Sur le rejet et l’abandon (quelle différence ?) à peine abordés mais à l’origine d’immenses espoirs dans l’Amour :
TOUS les personnages principaux des romans de Houellebecq, en particulier ceux de Plateforme et de La Carte et le Territoire