dimanche 22 janvier 2017

2016: it's complicated

George Michael est mort un 25 décembre, alors à défaut de croire en Dieu,


j'ai bien compris que je le Diable existait, et on peut dire qu'il a de l'humour ce con. Après avoir fait sortir un vieux sex-symbol helléniste auteur du tube le plus insupportable de Noel du comma un 25 décembre 2011, il le ré-éteint quelques années plus tard le même jour. Sacré toi.

L'attentat de Berlin, le massacre au Nord-Kivu dans ce pays maudit des dieux ou des responsables corrompus (merci à mes trois dans la coopération au développement, dont 80% furent dédiés à des réjouissances congolaises) et pour finir cette blague au goût douteux.

Alors que je ne pressentais rien de bon pour le monde de 2017 en cette fin 2016, les premières semaines de janvier m'ont donné raison sur le plan personnel. J'ai eu beau coucher sur mon cahier d'étudiante mes traditionnelles résolutions lors de mon vol de retour, les faits ne font que contredire mes écrits. Preuve ultime que nous acharner à vouloir tout contrôler finit toujours en crescendo de notre déception à la vue des éléments qui se déchaînent face à nous. Faire des choix pour avancer, comme cesser tout contact avec des amis qui n'en étaient pas et quitter un travail ennuyeux à souhait pour se mettre à son compte. Puis réaliser que notre quête d'absolu et de déni des contraintes de la vie ne nous enferment qu'un peu plus dans ce que l'Homme déteste et craint par-dessus tout : la solitude. Démissionner pour la liberté (l'insécurité), le gain de temps grâce à l'évacuation du problème causé par le lieu de travail (passer toute sa journée en pyjama et s'auto-déconcentrer grâce aux sources de distraction infinies disponibles chez-soi), ne plus être fatiguée par une longue journée et rencontrer plus de gens (qui eux sont fatigués par leur longue journée et ne sortent pas), les loisirs (dont les voyages qui s'envolent, eux, pas nous, par manque d'argent), se concentrer sur une recherche d'emploi en France (soit une annonce intéressante tous les tremblements), profiter d'adorables sacrés de Birmanie (qui s'en branlent puisqu'elles pioncent toute la journée et dont l'une a même l'insolence de ronfler comme une vieille bécane). Pour faire court : chapeau l'artiste !


Vouloir faire ce qui nous plaît et s'entourer des bonnes personnes a un prix : l'incertitude financière et la solitude, sans compter le célibat. Les femmes heureuses en amour et au travail sont des femmes naturellement aptes à faire de concessions tout en étant respectées. Les éternelles célibataires sont celles qui ne pourront se satisfaire de la médiocrité inhérente au couple. Inutile de dire que j'en fait partie et que je le paye très cher.

L'exigence n'a pas de prix puisqu'un prix est une limite. Or le principe même de l'exigence est de ne pas en avoir : elle va certes être temporairement comblée, mais les décisions qu'elle engendre sont toujours synonymes de lourd tribut.
J'ai voulu rester en Allemagne après mes études car la qualité de la vie ainsi que le monde du travail y sont meilleurs, je le paye de solitude et de célibat. J'ai considéré mes amis comme des traîtres, alors je suis seule à Hambourg malgré les connaissances sympathiques que j'ai pu rencontrer depuis. Et encore une fois, j'ai quitté mon travail aussi sûr que chiant pour me consacrer à mon métier de traductrice et me retrouve projetée dans la galère d'un secteur ultra-féminisé et donc ultra-précaire. Non pas que je l'ignorais, mais j'avais tout de même fait des estimations de mon chiffre d'affaires nettement supérieures.


Malgré tout, je suis en mode Edith Piaf (tiens, une autre femme en quête d'absolu...tu m'étonnes qu'elle ait écrit une chanson pareille) et ne regrette rien.

Le monde est cruel, les gens nous plantent des couteaux dans le dos dès qu'ils le peuvent, mais...
Des trahisons l'art te sauvera
Des échecs l'art te sauvera
De la solitude l'art (et surtout une bonne soirée indé-rock) te sauvera



Du blues de la trentaine le blues te sauvera

Keep faith


mardi 10 janvier 2017

Molkette un jour...

Mon groupe préféré. Le premier groupe de rock que j’ai écouté et le seul qui n’a jamais vraiment quitté mes écouteurs. Tout avait commencé l’année de mes 15 ans, vous savez ce prétendu âge bête où les hormones se déchaînent ? Un samedi soir comme les autres à regarder Tout le monde en parle pendant que mes parents dorment au-dessus, captivée par les confrontations chocs, les interviews formatées d’Ardisson, morte de rire devant les obscénités bienveillantes de Baffie et fâchée de ma nullité au mythique blind-test. Bref, la meilleure émission de l’histoire de la télévision à mes yeux. Toutes ces années de grand-messe du samedi soir pendant laquelle Marylin Manson au sommet de sa notoriété pouvait se retrouver en face de Maître Capello.



Alors ce soir-là l’homme en noir avait croisé une fois de plus deux mondes parallèles en installant l’androgyne le plus canon de l’histoire du rock en face de...Sacha Distel. Je serais incapable de dire ce que j’écoutais comme musique jusqu’à cette soirée, mais certainement pas du rock. Je suis tombée amoureuse de ce type, comme n’importe quelle gamine de 15 ans devant un mec qui ne saura jamais qu’elle existe, comme ces petites gothiques du public au bord de l’évanouissement,



ou encore comme les Françaises qui se sont mises à prendre allemand au collège quelques années plus tard pour comprendre les paroles de Tokio Hotel. Loin de moi l’idée de faire la moindre comparaison d’ordre musical, mais les émotions sont identiques : ces hormones qui s’affolent, l’intensité des sentiments décuplée, ces passions, ces obsessions, ces « mind-crush » exacerbés pour des stars inaccessibles. Je ne pense pas que la plupart des trentenaires fantasme sur un acteur sexy. Les femmes doivent fondre 5 minutes devant les abdos de Ryan Gosling, le sex-symbol de notre génération, pour ensuite rapidement passer à autre chose.

Pendant mes années lycée, j’étais obsédée par Brian Molko, sa voix extraordinaire, son maquillage, ses blagues en interview, son rire, son français à tomber, sa jeunesse à deux pas de ma ville, son anglais parfaitement intelligible pour tout individu avec une maîtrise basique de la langue de Shakespeare, ses provocations, et puis surtout : sa musique. Ce soir-là j’avais tout à coup mis un visage d’ange sur The Bitter End qui passait en boucle à la radio. Je me rappelle avoir brièvement évoqué mon coup de foudre à ma sœur qui m’a répondu que son mec aimait beaucoup Placebo. Une fois Sleeping With Ghosts gravé par mon beau-frère et écouté en boucle,  une fois les trois précédents albums achetés à la FNAC de Metz avec mon maigre argent de poche et une fois les paroles énigmatiques apprises par cœur puis traduites à défaut d’avoir pu être déchiffrées, mon anglais est passé (en toute modestie) de très bon à excellent, et surtout le rock n’a plus jamais vraiment quitté ma vie. Je me suis mise à lire la presse musicale, à écouter ce qui se faisait de mieux à l’époque (Paradize d’Indochine, The Libertines, The Kills, etc.), à découvrir ce qui se faisait de mieux à une autre époque (les Clash quand tu nous tiens) et à être obsédée par d’autres rock stars attirantes, comme Nicola Sirkis, Paul Simonon jeune, et Carl Barât, un peu. Mon rêve était moi-même d’être une rock-star, mais heureusement je ne l’ai jamais réalisé : trop timide et trop feignante pour apprendre la guitare.

Puis j’ai grandi et Brian Molko s’est clairement enlaidi (ça pourrait être un début de chanson ça...), même s’il se retrouve toujours en face de vieux chanteurs français aussi ringards que sympathiques.



Enfin majeure et plus intéressée par les mecs de mon entourage que par des images renvoyées à travers un écran, j’ai finalement vu Placebo au Galaxie en 2006 pour sa tournée Meds.
Je remercie mes parents de m’avoir interdit toute sortie pendant les années de ma minorité car je ne me serais sans doute jamais remise d’un concert de mon idole en 2004. Dieu soit loué en 2006 je n’étais plus pucelle, j’étais passée à autre chose (année des Strokes et des Arctic Monkeys), et surtout devenue bien moins fan sous le choc de morceaux aussi insipides que Song to say Goodbye et Infra-Red. Mais  bizarrement, et là est toute la magie de Placebo en live, ils ont réussi à me les faire redécouvrir et aimer à cet instant très précis, dans la fosse du Galaxie (tiens, un autre début de chanson...). Excellent concert, le premier de ma vie même, au court duquel le Sieur Brian nous a rappelé sa fierté pour ses origines écossaises.



...Molkette à Hambourg...


Chose qu’il s'est contenté de réitérer à l'oral 10 ans plus tard en ce soir d’Halloween dans ma charmante cité hanséatique, évoquant brièvement et sur le ton de l’humour le Brexit et le débat sur l’indépendance de l’Écosse. Un concert mémorable, un duo étrangement communicatif et sympa, un Brian sexy à son âge avancé avec son délicieux allemand et sa coupe Jeanne d’Arc revival 2003 (tiens, comme de par hasard). Bref, une soirée sur un nuage de nostalgie. La tournée anniversaire A place for us to dream porte bien son nom car c’est dans un endroit qui n’est que foule et musique que l’on rêve. Deux petites semaines après un autre rêve qui a bien nachgewirkt dans mon quotidien morose, j’ai été une fois de plus hors du temps présent et replongée dans mes années Molkette à coups de nombreuses chansons issues du premier album, à coups d’entrée sur leur morceau le plus emblématique Pure Morning, à coups de restes sympathiques de la belle époque d’un Brian subversif,



et surtout à coups d’immenses surprises, dont cette pépite du premier album qu’ils n'avaient pas jouée depuis une éternité,


Comme en 2006, Placebo a réussi à me faire aimer des daubes radiophoniques comme Too many friends et For what it’s worth. Comme quoi, l’ambiance concert et surtout le talent de bons musiciens font des miracles ! Celui d’insuffler, en quelques chansons seulement, dans le corps d’une trentenaire désabusée l’esprit de l’adolescente qu’elle était, mais un esprit épuré de tout le mal-être propre à cet âge si violent, un esprit qui n’était que douce nostalgie de sa jeunesse et de cette passion pour un groupe de rock.

La boucle s’est bouclée pendant les fêtes : ma nièce adorée retrouve soudainement le billet du concert de 2006 chez les parents de son papa, puis j'apprends qu’Hervé Villard boit un coup à quelques pas de moi dans le bistrot où j’ai fait mon 31. Trop de hasard tue le hasard et interroge sur la possibilité d'un destin, voire d'une entité éternelle qui orchestrerait ce genre de coïncidences feintes.

Je n’ai pas la réponse, mais une certitude : la violence de la presse allemande au lendemain du concert deHambourg m’a encore fait comprendre à quel point ce pays de bourrins était aux antipodes du mien et de la sensibilité des Français. Ici, on n’aime pas le « rock mélancolique », par contre les Teutons se déchaînent volontiers à un concert de Royal Blood. Les sentiments exacerbés, c’est ridicule. La romance et le flirt, c’est ridicule. Et le Sturm und Drang est mort une deuxième fois. La mauvaise foi d'un journaliste du Welt qui semble avoir  vu un autre concert (peu d'interaction avec le public ? Rires de politesse dans l'assistance ?), elle, est bien vivante.
Dichotomie confirmée par la presse française dithyrambique.
Entendons-nous bien : la presse n’est pas le peuple et cette immense salle était – proportionnellement – aussi pleine que Bercy. Toutefois, l’amour du public français pour Placebo est, selon les dires du groupe, assez exceptionnel et reflète par une sorte d’effet miroir l’influence qu’ont eu la culture et la littérature française sur un jeune Brian Luxem-bourgeois.

Une chose est sûre : j'ai profité qu'un petit vampire se soit retourné sur ses 20 ans de carrière pour regarder mes 15 ans, le laissant aspirer mes angoisses et me ré-insufler dans les veines l'idée que la musique reste l'un des éléments les plus vitaux à l'être humain. Un vampire pas comme les autres.



...Molkette toujours.