Par cet hiver, ce gel, cette déprime, cette morosité
interminables, rien de tel pour réchauffer ses nerfs endoloris que l’incandescence
d’un groupe de garage-rock féminin comme on n’en fait plus. Trois jeunes
londoniennes enragées : deux sympathiques butchers qui balancent des riffs
puissants et irrésistibles accompagnés de paroles féministes vociférées par une
fausse lolita blonde.
Bref, un petit - minuscule - air des Slits dirais-je timidement, bien
incapable de citer un autre groupe féminin similaire.
Ce « girl power » band, c’est
comme un truc « à l’ancienne », ça vous ramène à la fin des années
70, vous avez l’impression de connaître, mais non. C’est nouveau et impossible de trouver un équivalent passé, malgré des clins d’œil à certaines chanteuses marquantes (ex : un « one way or another I'm gonna get ya, I'll get ya get ya get ya get ya get ya » au milieu d'une chanson et le « I tell you what I want, what I really really want » du titre FUU).
Six petites semaines après la sortie de leur premier album,
les punkettes nous ont fait l’honneur de passer par l’une des villes les plus rock que
je connaisse, qui plus est dans mon club préféré.
Concert du 14.03.2018 au Molotow, Hambourg
Si j’ai du mal à trouver à Dream Wife une ressemblance avec
un groupe en particulier – leur son me rappelant tout au plus les Stooges (ici la formidable intro de FUU)
et la
Patti Smith de Horses -, il en va autrement
de la première partie ce soir-là. Avec wearemarvin, c’est comme
si The Strokes avaient fait des
cochonneries pendant quelques dates de tournée en Allemagne et que leurs fils
sortaient tout à coup de l’ombre. Pour l’enfant du merveilleux revival rock des années 2000
que je suis, cette mise en bouche pré-Dream Wife a été un véritable plaisir.
Moi qui n’aime pourtant pas les premières parties et arrive toujours en retard
pour les louper, je ne regrette pas l’exception faite.
Pendant l’entracte, nous sommes allés fumer
des clopes et surtout nous rafraîchir dans note chère cour du Molotow. Il
faisait chaud dans cette salle. Tellement chaud. Comme dans tous les clubs de
Hambourg, quel que soit le temps à l’extérieur. Je me rappelle les cris des
petits Lemon Twigs obligés de se mettre torse-nu pendant de leur concert à l’Indra-Club
en avril 2017 : « And before we all die from heat ».
Alors pour finir d’enflammer tout ça, le truculent
trio débarque avec Hey Hearbreaker aux riffs entêtant. Ce morceau étant de loin le
meilleur de l’album, autant dire qu’on nous a mis dans l’ambiance sans ménagement.
Les chansons s’enchaînent, le public bouge bien et ça sautille sans arrêt sur la
scène. Le groupe est en nage et déclare même avoir plus chaud qu'à Sidney où il a joué la semaine passée.
Trop plein d’énergie, de jeunesse qui exulte, quel pied ! Les slogans féministes fusent au milieu des paroles sans équivoque, comme dans cet hymne au respect de la femme où "I am not my body, I am somebody" fustige l'objectivisation de celle-ci.
Puis arrive
en milieu de concert le « moment préféré » pour la
chanteuse : celui où elle exhorte toutes les « bad bitches » de
la salle à venir aux premiers rangs, et demande ainsi pendant trois plombes - puisqu’ils
n’ont pas l’habitude de laisser leur place – aux mecs de « get the fuck
away ». Sur fond de solidarité féminine si chère à leurs yeux, elles clament ainsi leur fierté d'être des « bad bitches » pendant la très explicite FUU. Ironie du sort : mis à part quelques rares couples lesbiens et filles "normales" dans mon genre, l'immense majorité du public est composé d'hommes. N'oublions pas que le rock - et à plus forte raison le punk - est un genre masculin très viril ; d'où le regrettable manque de filles au sein des groupes.
L’ensemble n’aura pas duré plus d’une heure, même si je n’ai
bien évidemment rien chronométré. Le meilleur sauna du monde s’est terminé trop
vite car il ne faut pas oublier que les demoiselles n’ont sorti qu’un album.
Alors dans une apothéose de féminisme véhément - et ouvertement anti-mecs, vous l'aurez compris -, les amazones punk ont
invité une poignée de gonzesses des premiers rangs à monter sur scène pour danser
sur les dernières saillies punk.
Mon Dieu que c’était bon ! Le genre de concert qui vous revigore pendant les jours qui suivent. L’hiver peut continuer de nous les
briser, rock and roll is not dead.