Tout avait pourtant très
mal commencé en ce 27 mai 2016 à Hambourg. Une journée au bureau d’un ennui
abyssal à peine comblée par la lecture d’articles tous plus futiles les uns que
les autres sur le fameux demotivateur.fr, des filles du groupe Facebook « Neu
in Hamburg » aux photos de profil pourtant fort sympathiques qui, après
des réponses et messages empreints de la plus grande motivation à sortir ce
vendredi…me plantaient. Tout simplement. Et avec des excuses tout aussi
pourries que leur motivation de la veille fût grande : « Je suis
malade, je pensais que ca allait passer, alors j’ai rien dit, mais là je suis
clouée au lit ». Réponse souhaitée et bien évidemment non envoyée :
« dans ce cas crève, connasse ». Autre exemple représentatif de l’autisme
profond des habitants de cette grande ville du nord où le superficiel et le
manque d’engagement règnent sans pareil sur les relations humaines :
« Ah si tard ? Ah mais je n’y arriverai pas je dois travailler jusque
tard aujourd’hui ». Réponse souhaitée et bien évidemment non
envoyée : « Tard ? Parce que tu fais la fête le weekend de 21h à
23h toi ? (Connasse aussi) ». Bref, ca allait encore se finir à deux
avec « Küken », soit poussin en VO, qui est certes un peu beaucoup
silencieux, mais presque toujours partant du haut de ses 21 printemps, d’où son
surnom.
Le début de la soirée était
calme. Piste déserte, comme toujours au Molotow aux alentours de minuit et gens qui boivent
des bières tranquillement sur les chaises longues de la cour intérieure. Ce soir-là
un DJ posté dans la petite cabane de la cour passait des trucs indies sympas. J’ai
même reconnu « Sur la plage » de La Femme et m’en suis vantée auprès
de Küken dans un élan un peu con de chauvinisme, comme à chaque fois que je reconnais
un groupe français en club. Il faisait 10 degrés à tout casser et pour mon pote
du Schleswig-Holstein, la température était chaude. Des gonzesses déjà joyeuses
après quelques bières (oui ici l’un ne va jamais sans l’autre, le balai dans le
cul que les Allemands doivent supporter toute la semaine ne se retire pas tout seul
à l’eau gazeuse) commencent à bien s’amuser entre elles et dansent dans la cour.
Oh mon Dieu ! Une soirée entourée de poules en pleine « soirées filles »
! Quelle horreur. Et puis tout à coup mes pieds étaient trop gelés pour que je souhaite
poursuivre ce moment détente à l'extérieur. Alors avec Küken nous décidons conjointement
de finir nos bières à l’intérieur. Dans un (bref) premier temps, nous ne faisons pas trop attention à la musique et constatons avec satisfaction que la piste s'était pas mal remplie. Nous nous posons sur les canapés dans un coin et poursuivons la soirée pendant quelques instants en mode relax, mais cette fois en silence puisqu'on s'entendait plus. Quand tout à coup je regarde Küken en souriant et lui dis que c'est quand même trop bien. Et là j'ai vu à son sourire que notre jeune homme d'habitude si introverti était plus qu'agréablement surpris. Alors nous nous sommes levés...
...pour ne presque plus jamais nous rassoir, ni même aller aux toilettes. De toutes façons, elles sont dégueulasses au Molotow. Il faut y aller dès le début de soirée (et encore elles sont déjà à la limite du supportable) ou plus jamais. Les titres s'enchaînent, les uns sur les autres, parfaitement mixés comme s'ils avaient été composés par consentement mutuel pour pouvoir être mixés ensuite. La foule est compacte, mais suffisamment espacée pour que chacun puisse bien se déchaîner sur un tel talent. Alors que les corps des clients des clubs voisins de St. Pauli bougent en position debout pour accompagner l'alcool qui les pénètre, eux se font accompagner par un peu l'acool pour mieux se laisser pénétrer par la musique. Que ce soit pendant ou une semaine après, aucune idée de l'heure à laquelle tout a commencé et donc de la durée de cette transpiration intense et (presque) ininterrompue, tout simplement parce que des moments aussi exceptionnels se vivent hors du temps. Le jeune DJ encore à peine connu dans le Nord de l'Allemagne vit son truc du début jusqu'à la fin et le transmet à la petite foule. Elle ne s'arrête de danser que pour quelques secondes de récupération sur le canapé ou pour un bref passage au bar. Elle sourit en fermant les yeux, elle ne drague ni ne se torche et encore moins se drogue. Elle n'est pas venue pour ça, le son est parfait et le kiff qu'il engendre se suffit à lui-même. Hip-hop allemand ou américain, funk et rock indé, French touch et RnB : tout est si parfait. Je n'ai moi-même, pourtant assez grosse fêtarde depuis une bonne dizaine d'années, jamais autant transpiré et aimé une set-list.
Comme toutes les bonnes choses ont une fin et que bizarrement Küken et moi nous rendons compte que ça doit faire un moment qu'on est là et que la salle se vide (très) légèrement, nous sortons, en eau. Et là, BIM ! La lumière du jour nous aveugle et nous pouvons à peine ouvrir les yeux. Putain mais quelle heure il est ? 4:30...
Alors pour tous les crétins occidentaux éternels insatisfaits comme moi en quête aussi vaine que perpétuelle du bonheur, foutez-vous bien ça dans le crâne même si je sais que vous le savez : il n'existe pas. Il n'y a que des moments de bonheur qui ne sont donc par définition PAS des moments de bonheur, mais de joie. Ces moments n'arrivent jamais si vous cherchez à les provoquer et surtout si vous y pensez. En revanche, ils vous tombent sur la gueule là où vous êtes bien "dégoûtés" (pas malheureux, puisque le malheur n'existe pas non plus, cf. deux lignes plus haut pour les étourdis). Et attention, quand ils arrivent, ils vous transportent dans un autre espace-temps et finissent inévitablement par vous reposer là où ils vous ont pris, mais pas tout à fait dans le même état car ils vous laissent le bien le plus précieux d'une vie humaine : un bon souvenir.
https://beautyandthebeats.eu/videos
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