Le
temps vole, comme on dit dans la langue de Goethe, et nous en sommes déjà à
raconter ma deuxième édition du Reeperbahn Festival. Je vous passe les détails
sur l’identité de ce festival, tout est ici. Retenez simplement que c’est
LA rencontre de l’industrie musicale en Europe : les jeunes groupes du
monde entier s’y produisent pour se faire connaître auprès des labels. L’autre
pan du festival consiste en de nombreuses conférences pour professionnels du
secteur, mais je n’y étais pas et me limiterai aux concerts.
Cette
année malheureusement, une méchante sinusite m’a pris mon samedi et « seulement »
trois jours seront chroniqués.
Nouveauté
pour ma part, les films. Et oui, ils font partie du programme et ont la
particularité d’être projetés dans un petit cinéma indépendant, L’Abaton,
hors du périmètre de la Reeperbahn. J’ai donc inauguré mon édition 2018 par « Here to be heard : the story of The Slits », un documentaire sur le
premier groupe punk féminin. Y interviennent entre autres les musiciennes de la
formation d’origine : la bassiste Tess Pollitt, la guitariste Viv Albertine
et la batteuse Palmolive. Du fond de cette salle quasiment vide, je n’ai pas
appris grand-chose, si ce n’est qu’elles ont été les premières à promouvoir la
laideur chez la femme, comme le montre la couverture de leur album Cut.
Et rien que pour cela, elles sont
admirables. La personnalité loufoque et bruyante d’Ari Up transcende le film
malgré sa disparition des suites d’un cancer qu’elle a refusé de soigner. Mais
le plus grand plaisir de ce film plutôt ennuyeux était de voir des images des
premiers concerts des demoiselles reggae et de les écouter, tout simplement (Typical girls, Animal Space), car c’était avant
tout un bon groupe, novateur et qui a su évoluer, sortir du punk au début des
années 80 pour aller vers le reggae et les sonorités africaines.
Le
passage aux choses sérieuses, aux concerts donc, a commencé avec Jett Rebel au minuscule St. Pauli Museum.
Et franchement, belle entrée en matière. Énorme talent, qui confirme la
tendance observée l’année dernière de la qualité des artistes
néerlandais.
Dans
un autre registre, bien plus au Nord, j’ai eu un énorme coup de cœur pour FRUM des îles Féroé. Une voix
extraordinaire, et c’est souvent le cas pour les chanteuses venant du froid,
une électro-pop parfois planante, parfois dansante, et même des accents de
musique urbaine dans Beat. Bref, un excellent
moment passé au Nochtspeicher.
Après
une brève transpiration dans un sauna encore plus insupportable pour
écouter les Français MNNQNS et leur rock assez répétitif (mais qui selon les
dires d’un ami s’est amélioré suite à mon départ), traversons la rue pour aller
dans le beau Schmidts Tivoli applaudir une dernière chanson du fou-fou sympathique
Flavier Berger qui précède LA vedette.
Alors
Julien Doré, comment dire…Il a le don
de composer des mélodies sublimes et irrésistibles. Le problème, ce sont ses
poses, sa personnalité agaçante sur scène et pire, les versions live de ses
chansons qui perdent en intensité. Grosse déception de cette première journée.
Heureusement
que la soirée se termine dans la fraîcheur avec les jeunes Norvégiens de I am K au Mojo Jazz Café. Une belle
voix et des mélodies efficaces qui nous ont vite fait oublier la star francaise
plus blasée que nouvelle.
Jeudi,
jeudi. Débutons cette deuxième journée par deux petits concerts sympathiques sur
fond d’après-midi ensoleillé. Rock N
Roll Radio est un groupe coréen – je n’exagérais donc pas quand je parlais
de festival d’envergure internationale en préambule – au rock parfois garage,
parfois plus 80’s, mais toujours agréable.
Mon
coup de cœur de la journée va à Aquarama,
ce petit groupe italien qui nous livre sur la petite scène du Sommer Salon
une pop sucrée et dansante, notamment grâce à des percussions irrésistibles.
Et la
pluie apporte dans sa morosité mon dernier jour de Reeperbahn festival, même si
je l’ignorais encore et me sentais en pleine forme à ce moment-là. C’est donc
le corps plutôt en forme tout en recherchant un abri, le cœur léger et l’esprit
assoiffé de nouvelles connaissances que je me dirigeais vers l’Abaton pour visionner
un documentaire canadien portant sur une problématique féministe. Dans Play Your Gender, la musicienne Kinnie Starr récolte les témoignages d’artistes
féminines et d’une poignée d’artistes masculins sur la présence des femmes dans
l’industrie musicale. Attention, il ne s’agit pas de leur présence tout court,
mais de la représentation de notre sexe aux postes de pouvoir : de la
composition à la production en passant par le travail des ingénieurs du son.
Aucune surprise : les femmes sont très visibles – on trouve bien des chanteuses
sexy à longueur de clips – mais ce sont presque exclusivement des hommes aux
manettes. L’immense majorité des chansons interprétées par des femmes ont été
composées, arrangées et produites par des hommes. Alors comme partout, on nous
dit que les femmes commencent à pénétrer ces métiers techniques, mais la
proportion reste infime. Bref. Rien de nouveau sous le soleil, y compris pour la
grande mélomane non professionnelle que je suis. C’est dire pour les autres…
C’est
donc l’esprit déçu que je rentre à la maison pour patienter jusqu’aux premiers
concerts de la soirée. Le premier d’entre eux me fait vite oublier cette perte
de temps cinématographique car Hyphen
Hyphen est fidèle à sa réputation de bêtes de scène. La chanteuse a
toujours de beaux graviers dans la voix et les morceaux de leur deuxième album
semblent à la hauteur du premier. On peut clairement dire que les Niçois ont fait exploser le Bunker.
Direction
l’obscure Bernhard-Nocht-Straße pour terminer la soirée au fief des artistes
danois, la Nochtwache. Et quel kif, mes aïeux ! Après le bon rock
pur et dur, mais aussi entraînant, de TheFlorines, je pensais qu’on allait difficilement faire mieux. C’était sans
compter l’arrivée du « duo qui sonne comme un quartet », The Courettes. La salle est minuscule
et comme pour le groupe précédent, je pouvais à peine voir le haut de la tête
des musiciens – de la chanteuse-guitariste en l’occurrence - pendant le concert,
mais alors quelle énergie ! Le look est là, le son est garage cra-cra
comme on aime, tout en employant des mélodies faciles à suivre. On s’approche
plus du recyclage que de la créativité, mais qu’est-ce que ça fait du bien !
Le batteur avait raison de conclure son show par « You can go home now,
cause you’ve seen the best », car j’ai suivi son conseil. Cette édition 2018
s’achève en laissant derrière elle un bilan mitigé : sinusite, fatigue et samedi
sacrifié, mais aussi mon coup de cœur général en guise de clôture. Les places
sont prises pour leur passage au Pocca Bar le 20 octobre. Je fais enfin
les VOIR.
Quant
à toi, Reeperbahn Festival, tu ne perds rien pour attendre. Le pass 4 jours
pour 2019 est pris et on croise les doigts pour tenir jusqu’au bout cette
fois !