Il fût un temps pas si
éloigné où ces mots ne pouvaient être prononcés que par les voix doublées en français
des vétérans américains survivants d’un bourbier sans nom et qui en plus s’est mal
terminé pour l’Oncle Sam. Dans la culture américaine, donc la nôtre, on en a vu
des personnages qui ont « fait le Vietnam », comme Travis
Bickle indubitablement ravagé par la guerre ou encore le pote de Forest Gump aux deux jambes
coupées.
Aujourd’hui et en dépit
du viol collectif que subit la langue française chaque jour sur internet, dans
les écoles, les lycées, les universités et les entreprises, il est tout de même
légitime de dénoncer cet abus de langage volontiers utilisé par les « baroudeurs »,
les retraités qui enchaînent les voyages, les petits cou-couples bien agaçants
qui voyagent en amoureux (parenthèse : voici mot pour mot ce que je pense de ces deux êtres qui ont presque toujours renoncé à leur individualité),
les jeunes diplômés qui sont
encore trop immatures pour se lancer dans le marché du travail et préfèrent
faire un tour du monde et les jeunes cadres qui veulent être plus sabbatiques que dynamiques. Non, mes chers : vous n’avez pas fait le Vietnam. Pas plus que
vous n’avez fait l’Italie, l’Islande, les Etats-Unis ou encore le Chili.
Contentez-vous de dire que vous l’avez visité ou tout simplement que vous y
êtes allés. C’est déjà pas mal, non ? Vous n’avez rien fait du tout. À la
rigueur Hô Chi Minh a fait le Vietnam. Vous n’êtes pas Hô Chi Minh.
Garibaldi a fait l’Italie,
à la rigueur. Vous n’êtes pas Garibaldi. Vous êtes des touristes qui consomment
des destinations comme des Kleenex et veulent juste les ajouter à votre liste, dire
à votre entourage : « Oh on a déjà fait les Etats-Unis »,
épingler un pays sur votre carte du monde et voir tout plein d’épingles pour vous gargariser d’avoir FAIT plein de trucs. Bref, vous l’avez compris, et
comme je dis régulièrement à ces irrésistibles emmerdeuses :
vous m’enquiquinez.
Je suis une ancienne
khâgneuse et garde donc toujours en tête que les mots ont un sens. C’est
pourquoi dire qu’on a « fait un pays » est très, mais alors très
gênant et dit ce que vous êtes : un touriste occidental de base qui dans
le fond (soyez honnête) veut accomplir des choses pour sa propre fierté et non s’intéresser
au pays qu’il visite, et ce même s’il prétend le contraire. Si votre démarche était autre, son expression serait elle aussi autre. Les mots ont un
sens et par cet abus de langage c’est votre véritable motivation à voyager qui
s’exprime. Les seuls à mes yeux qui peuvent s’autoriser à employer cette
expression sont les vrais voyageurs, qui
eux font des choses. Sylvain Tesson ne
serait pas ridicule s’il déclarait avoir fait
la Sibérie car en plus d'engendrer une souffrance physique en plus du questionnement intellectuel, ses voyages constituent une quête (on peut
le dire) existentielle et la base d’une production littéraire. Ce mec écrit bien, donc il a tous les droits. Et puis il y a aussi des tarés (oui,
encore plus que Sylvain Tesson), comme Mike Horn. Lui il en a fait des pays.
Ceci étant dit mon
deuxième coup de gueule sera envers moi-même. Pourquoi faut-il que je tombe
amoureuse de toutes les destinations que je visite ? Pourquoi faut-il que je me dise "ce voyage était vraiment le meilleur que j'ai jamais fait. J'y retournerai bientôt." ? Soit le dernier voyage chasse l'avant-dernier de ma mémoire, soit mes expériences s'améliorent effectivement. J'en doute. Mon dernier article à ce sujet racontait mon bref passage à Barcelone et je pensais que mes mots
allaient être uniques. Et bien non. Car je pourrais en utiliser les premières
lignes pour décrire les sentiments éprouvés pendant (et surtout après) ce sublime
voyage. À cela s’ajoute bien évidemment l’exotisme, mon premier voyage en Asie,
la chaleur étouffante, la meilleure gastronomie que je n’ai jamais goûtée et le
spectre de Catherine Deneuve, Jean Yanne, Nicolas Sirkis et même des Bérus dans
les sites et éléments culturels les plus emblématiques du Vietnam. Cette dernière cause d'émerveillement apparaît comme une sorte de romantisme, une nostalgie, plus proche du mot allemand Sehnsucht que du véritable regret bien sûr, vis-à-vis d'une époque coloniale que les Français n'ont pourtant pas connue et qui viendrait s'ajouter aux charmes intrinsèques de celle que nos ancêtres avaient baptisée :
Alors trêve de jérémiades, place aux photos. Elles
montrent toute la beauté du Tonkin (et l’avantage de posséder un Samsung Galaxy
S6).
La circulation à Hanoï
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Les rues du vieux quartier piétonnées et musiciennées le weekend
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Le lac Hoan Kiem
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Vu dans cette rue : d'un côté un coq dans une maison qui gueule et de l'autre côté de la voie ferrée un chat qui lui répond. Le tout sans que chacun sans voit l'autre et avec la pa-patte attachée |
Le délice avec entre autres des sauterelles grillées (et bien c'est super bon, pardi !)
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Rizière irriguée près de Nghia Lo
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Vallée autour du village de Tu Lê - Ma meilleure photo |
Sur la "route des photographes" vers Mu Cang Chai
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Maison sur pilotis de l'ethnie des Thai blancs
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La présence française dans la langue |
Vallée de Muong Hoa près de Sapa
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Mont Ham Rong vers le village de Sin Cheng
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La Chine, de l'autre côté de la rivière Chay, depuis la moderne Lao Cai
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Vente impressionnante de buffles sur le marché de Can Cau
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Tête de buffle sur le marché de Bac Ha
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Un Döner à Bac Ha (j'en ai également aperçu à Hanoï !)
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Pipe à eau et tabac sur le marché de Bac Ha (et partout au Vietnam)
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Au Vietnam, on transporte tout (TOUT) sur une mobylette
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Cochon transporté de maison en maison pour qu'il se reproduise avec les truies
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Mon moment préféré : ballade seuls au monde en barque à moteur sur le sublime lac de Thac Ba avec ses nombreux îlots |
"Délirant à bord du sampan": réserve naturelle de Van Long surnommée la Baie d'Halong terrestre |
Depuis une grotte où, plus loin, il fallait presque se coucher sur le sampan pour passer
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Retour dispensable à la réalité offert par la BBC
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Boulettes de porcs, tofu et oubli du nom du truc vert + délicieuse sauce de poisson
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Cathédrale de Phat Diem : catholique donc, mais avec l'architecture de la pagode
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Bouddha au milieu (à peine visible) : pagode du village de Non Khe
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Déesse de la Miséricorde devant le temple et la pagode de Non Khe
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L'eau couleur émeraude sur l’irréelle Baie d'Halong
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Cigales de mer fraîchement pêchées (et très bonnes)
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Coucher de soleil sur la Baie d'Halong
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Idée pour Noel au lieu de toujours les accompagner de citron
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Voilà. Et pour ne rien gâcher : les Vietnamiens sont adorables, sympas, souriants, trop cools (considèrent quand même un peu beaucoup les Occidentaux comme des dollars vivants) malgré la barrière de la langue. Oui bon j'exclus "cul-sec" et "santé" que tous les hommes maîtrisent sans accent. L'alcool, une valeur aussi sûre qu'universelle *cœur*
Très beau reportage de votre voyage
RépondreSupprimerJe suis en discussion avec vous dur twitter
Merci
des images qui donnent envie de le "faire" à notre tour... (j'aime bien la précision -avec une truie- à propos du cochon étalon) ; la baie d'Halong, filmée avec tant d'amour est imprimée en panoramique indélébile en nos mémoires. "On a fait la Martinique,cette année", dit ma belle soeur, "on a mangé bien mieux qu'en Guadeloupe, hein chéri ? "
RépondreSupprimerJe ne sais pas si le "on a fait" est pire que le "hein chéri". J'ai envie d'hurler quand j'entends des conneries pareilles :D
SupprimerAh j'adore cet article : pour les photos du Vietnam, bien sûr, mais aussi pour le coup de gueule contre ce verbe "faire" qui m'écorche aussi les oreilles quand il est utilisé abusivement au lieu du verbe "visiter" ! J'avoue que j'ai eu un peu peur en voyant le titre de l'article justement, mais j'ai été très vite détrompée et soulagée. :)
RépondreSupprimerHéhé. Trompeur ce titre !
SupprimerC'est à la fois moqueur vis-à-vis de cet emploi erroné du verbe "faire" ET une allusion à une expression dédiée concernant la guerre du Vietnam, comme on dit "Je reviens du Vietnam", etc. :)
"Pourquoi faut-il que je tombe amoureuse de toutes les destinations que je visite ?"... PASKEEEUUH !!!! :p
RépondreSupprimerT'es juste une belle curieuse, ce me semble ;)
BONS VOYAGES
Ca doit être ca. La curiosité, la capacité - certes entretenue avec soin - de toujours s'étonner et se laisser charmer par de nouvelles contrées, et même par des lieux familiers !
SupprimerBonjour,
RépondreSupprimersuperbe article.
Bravo pour dire tout haut ce que je pense tout aussi haut quant à la vente en pack prêt à consommer de voyages pour ego en manque de brillance. Dont le voyageur ne retiendra aucun moment contemplatif - ce mot lui est étranger -, mais l’impression vague d’une destination prestigieuse, et d’un pays parcouru ventre à terre sans y trouver autre chose que son orgueil satisfait.
J'aimerais aussi voir ce pays comme tu l'as vu.
Jean-Claude
C'est assez insupportable en effet. Cette manie que les Occidentaux ont de courir pour voir le maximum de choses en un minimum de temps sans profiter et s'abandonner à la destination. Comme tu dis, ils font exactement l'inverse et utilise la destination pour gonfler leur ego, d'abord à leurs propres yeux, ensuite aux yeux de la société via les photos idéales publiées sur les réseaux sociaux.
SupprimerMoi aussi, dis ! En 33 tours, même... XD
RépondreSupprimerhttps://youtu.be/ivW2Rkkj5gU
Oh top. J'adore Macca en plus ! Merci.
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