On peut tomber amoureux d'une
personne en un coup de foudre et d'une ville en quelques jours seulement. Comme
ça, sans parler la langue, sans avoir parcouru ses multiples recoins et se
l'être appropriée dans un quotidien à l’instar du jeune Erasmus français caricatural et attachant
de L'Auberge espagnole [« Quand on arrive dans une ville, on voit des rues en
perspective, des suites de bâtiments vides de sens. Tout est inconnu, vierge.
Voilà, plus tard on aura habité cette ville, on aura marché dans ses rues, on
aura été au bout des perspectives, on aura connu ses bâtiments, on y aura vécu
des histoires avec des gens. Quand on aura vécu dans cette ville, cette rue on
l'aura pris dix, vingt, mille fois. Au bout d'un moment, tout ça vous
appartient parce qu'on y a vécu »].
Le destin avait pourtant tout
organisé, contrairement à moi, pour que je maudisse ce séjour. Tout d’abord un
vol aller bêtement raté et 190€ déboursés pour en prendre un autre, suivi d’un
irrépressible assoupissement dans le train censé me mener à Passeig de Gracia
et qui m'a valu un détour jusqu'au terminus Granollers Centre, soldé d’une
dispute sur Whatsapp avec une connaissance gay car j'avais le malheur d'être
trop exténuée pour faire la fête toute la nuit avec lui et last but not least,
un méchant coup de soleil dès le premier jour me valant une allergie jusqu’alors
inédite à la boule de feu : un magnifique œdème au front. Ce paysage si gris,
voire triste, entre Sant Pol de Mar et Calella valait-il vraiment la peine de
favoriser un prochain cancer sur mon horrible peau pourrie de blonde nord-européenne
?
Je vous laisse juger, mais revenons-en à nos considérations
urbaines de départ : je suis tombée amoureuse de Barcelone dès le lundi, jour
le plus chaud qui a suivi un dimanche dédié à la plage et à la baignade sur
fond de drapeau jaune. Chaleur étouffante, tourisme de masse,
pas lents et laborieux jalonnés de
la recherche entêtante d’une place assise à l’ombre, d’espace et de courant d’air
dans les stations-sauna du parfait métro barcelonais...Que nenni : rien de
tout cela n’a gâché mon plaisir. On ne peut passer dix mois par an à se
plaindre du temps désastreux de Hambourg et laisser la moindre pensée négative
à l’égard de la chaleur estivale catalane effleurer son esprit. Je n’ai pas
seulement admiré la beauté de la ville du haut du parc Güell,
car Barcelone c’est bien autre
chose encore. Le voyageur est certes dans un premier temps frappé par des
qualités purement esthétiques, des ruelles et immeubles tous plus photogéniques
les uns que les autres à ne plus savoir où donner des yeux, mais le charme opère aussi grâce au bouillonnement urbain qu’on ne retrouve pas à Madrid par
exemple.
Cette jeunesse si vivante et
fêtarde qui m’a fait penser à la folie d’un Berlin + la beauté + le climat +
le port
+ la plage
+ le catholicisme
Car soyons lucides : si le triptyque
ouest européen méditerranéen nous régale de ses églises, c’est bien parce qu’il
a la chance de ne pas avoir subi la Réforme et les mornes édifices religieux qu’elle
induit.
+ le modernisme catalan de Monsieur
G. comme Génie.
Ex aequo sur la saleté, car même
amoureuse, il me faut bien voir les défauts de l’être aimé. Sans compter ce
suppositoire géant devenu l’un des emblèmes de Barcelone sur la seule base du
nom de son architecte...Heureusement que l’amour rend aveugle et que j’ai vite
effacé cette pièce d’architecture Nouvel de mon esprit malgré tout enamouré.
Heureusement aussi que mes
papilles françaises si sensibles se sont faites discrètes au contact de ce « foie
gras » au goût de plastique servi dans un petit restau sans prétention (il
manquerait plus que ça !) à proximité de Sants Estaciò.
Sans doute mon autre sens qu’est la vue ne leur a-t-il pas laissé l’occasion
d’instaurer une légère note négative dans une petite tête chargée d’étoiles
suite à la découverte fortuite du sublime Parc de l’Espanya industrial en ce
dernier soir déjà teinté de nostalgie.
Le retour à la réalité hanséatique jeudi matin a été aussi triste que l’atterrissage
mouvementé, au milieu des trous d’airs de l’épaisse couche de nuages qui
recouvrait ma ville, alors que le commandant de bord avait maladroitement
annoncé la couleur avant la descente à l'aide d'un « the weather in Hamburg
is... [quelques secondes de rires des autres
passagers plus tard] okay. »
Voilà, Hambourg is...okay.
Vivant dans la banlieue toulousaine, j'ai bien sûr visité Barcelone à plusieurs reprises, et je suis heureux que tu aies aimé malgré tes déboires. Hispanophile et hispanophone, l'Espagne est depuis toujours dans mes destinations proches et courantes.
RépondreSupprimerSans doute as-tu lu "L'ombre du vent" de Zafón (avec le supplément touristique montrant les quartiers où se déroule le roman).... sinon je me permets de te le conseiller sans trop de risques - les critiques sont mieux que bonnes.
Jean-Claude
C'est vrai que tout avait très mal commencé !
SupprimerBizarre, je n'en avais jamais entendu parler alors qu'il semble que ce soit un best-seller mondial. Merci pour la recommandation !