Rares sont les groupes qui ont
survécu à la mode de l’irrésistible revival rock-indé-garage-blousons en cuir
des années 2000. Placebo, dont j’idolâtrais autant la musique que le charisme
de son leader, ne fait plus que de la soupe depuis l’album Loud Like Love. Dans ma grande bonté – et objectivité, j’épargne Battle for the sun car il contient la
sublimissible Kings of Medicine. Les
purs et durs de la première heure vont même jusqu’à pointer du doigt Sleeping with ghosts comme le début de leur
descente musicale. Seule une tournée anniversaire en 2016 pouvait leur
permettre de jouer des morceaux corrects, les anciens donc.
Les White Stripes n’existent plus.
Les Strokes, n’en parlont pas, même s’ils ont fait des petits. Le dernier album d'Arcade Fire est à des années lumière de Funeral. Les Arctic
Monkeys, petits derniers de la décennie, bébés de MySpace (ouh tu la sens la
madeleine ? Attends un peu, et si je te dis : MSN+wizz ?), ont
« évolué ». Leur nouvel album AM
possède un pouvoir soporifique d'autant plus étonnant que je me réveillais au son de Whatever People Say I Am That’s What I’m Not
sur le chemin des cours.
Et les Libertines, on en
parle ? Ce groupe si emblématique de cette décennie bénie, avec son
histoire d’amitié tumultueuse
et son leader iconique…Disparu. Mieux
vaut ignorer leur album sorti en 2015, après leur reformation - d’ailleurs, si
le public pouvait arrêter de s’extasier à chaque reformation de son groupe
favori, cela découragerait les velléités des artistes refusant de comprendre
que bien souvent, on ne peut être et avoir été – car la seule chanson
appréciable d’Anthem for Doomed Youth
a été écrite pendant leurs heures
de gloire. Le reste est à jeter, tout comme la carrière
solo de Doherty, et contrairement à l’excellent Let It Reign de Carl Barât and the Jackals,
que j’ai eu la chance de voir en
live en 2015. Du bon rock dans une décennie électro et auto-tunée : une
exception qui confirme la règle. Dommage que l’ancien beau gosse du duo n’ait
pas persévéré loin de son comparse historique, préférant sans doute à la bonne
musique et à une tournée européenne dans des petites salles les grands
festivals que le nom – et certainement pas la qualité des prestations en live –
des Libertines permettait d’atteindre. Le fiasco au Rock en Seine la même année
me donne malheureusement raison.
Alors quoi ? Doit-on en
conclure que les meilleurs groupes des années 2000 se séparent dans le meilleur des
cas, ou se reforment dans le pire ? Doit-on se faire à l’idée que le
rock est absolument et définitivement une musique de vieux ? Que cette
décennie où le rock, victime de son succès, était si hype qu’il avait donné
naissance à des lolitas pseudo-rockeuses ultra-formatées – Avril Lavigne,
Evanescence, Emma Daumas et j’en passe – n’était qu’un dernier soubresaut avant l’extinction d’un genre
musical subversif ? Les jeunes vieux de trente ans et les vrais vieux qui
ont connu les années 70 n’auraient plus qu’à se contenter pour les uns de
reformations minables, pour les autres de concerts à 500 EUR la place pour
voir – enfin pas vraiment, la scène est trop loin – des papys s’accrocher à la rampe ? Plus
rien ? Plus de créativité ?
La mélancolie est tentante et je
succombe volontiers à ses musiques électriques, idéalisant une décennie qui m’a
pourtant vue adolescente et jeune adulte mal dans sa peau. Oublier la réalité
d’un passé dans l’adoration triste et nostalgique de sa bande-son. Et bien oui.
La mélancolie, c’est bon, c’est ouaté. Et on peut s’y complaire avec bonheur,
se comporter comme une vieille conne à l’écoute de ses vieux albums en disant
« CA c’est de la vraie musique, pas comme les daubes qu’on entend
aujourd’hui ».
Mais allons plus loin et soyons
honnêtes. Il reste :
1) Des groupes de rock formés dans les années 2000 qui
continuent de sortir des albums à la hauteur des précédents. Incroyable, mais
vrai. En live, ces exceptions qui confirment la règle sont excellentes, chacune
à sa manière et égale à elle-même/ses débuts. L’une a été le premier concert de
ma vie en 2004, d’où la place toute particulière qu’elle aura toujours dans
mon cœur.
L’autre a donné un concert magique
au Art Rock de 2017.
2) Des groupes bien plus anciens, de générations précédentes, qui restent excellents et constituent de véritables légendes vivantes, qu'il s'agisse de la version originale anglaise ou de sa copie francaise.
3) Des petits jeunes qui font du neuf avec du vieux. En
musique plus que dans n’importe quel autre domaine, « rien ne se perd,
rien ne se crée, tout se transforme » (Lavoisier).
Il y a les années 80 revisitées,
et sans boîte à rythme.
Et bien évidemment des rockeuses à l’ancienne.
Malgré ces réjouissances, cette
pérennité d’anciens groupes ou créativité de nouveaux qui donnent foi en notre
époque, rien ne vaudra jamais les noughties.
Rien ne remplacera un Brian Molko
au plus haut de sa beauté, sublimée par un coucher de soleil irréel et une intro de
dingue. « Insane ».