Les quadras se sont époumonés sur
L’Aventurier, que tout le monde
connaît par cœur aujourd’hui. Les trentenaires ont vibré aux grosses guitares
et sons électro d’Oli de Sat sur l’excellentissime album Paradize. Et les moins de vingt-ans ne peuvent ne pas connaître les
tubes des années 80 ou singles de ces années 2010. Alors rien d’étonnant à ce
que les places pour ce monumental 13
Tour d’Indochine se soient
vendues comme des petits pains.
Rappelons que le concert de 2014 au Stade de
France à l’occasion du Black City Tour
a lui aussi affiché complet en un temps record. Depuis le 5 décembre 2017, on
ne compte plus que deux artistes français - partant du principe qu'Indochine=Nicola Sirkis - à remplir le Stade de France. La
parité est aussi bien respectée que le doux paradoxe qui les rapproche, puisque
les deux plus grandes stars françaises se caractérisent par leur timidité,
voire leur mystère.
NB : oui, oui, les Insus ont terminé leur tournée de 2017 par un concert au Stade de France, mais il s'agit là d'un groupe bicéphale !
Depuis leur meilleur album
Depuis leur meilleur album
À 15 ans, je passais
des après-midi entiers à danser et chanter devant le sublime 3.6.3, grâce auquel j’ai pu découvrir
d’immenses chansons de générations précédentes comme Miss Paramount ou Punishment
Park.
Mais pour nous, cet
Indochine du 3.6.3, c’était un retour en grosses pompes goth avec l’album Paradize, l’album le mieux vendu de l’histoire
du groupe. Cet Indochine-là, c’était
toute une - courte - époque. Celle où le rock et le look gothique étaient redevenus
à la mode dans les années 2000, notamment avec des artistes torturés et
provocateurs, comme Placebo et surtout Marilyn Manson auquel Sirkis rend hommage
dans une chanson éponyme.
Une croix
inoubliable – très proche de celle de l’album 13, un chanteur aux traits
adolescents et cheveux couleur corbeau décoiffés avec arrogance et des clips à
l’ambiance sombre : tous les ingrédients étaient réunis pour transformer
en opus mythique une succession de très bonnes chansons.
Quiconque suit le
groupe depuis le début ou s’intéresse un tantinet à son évolution ne peut qu’être
d’accord avec ce constat : il y a un avant et un après Paradize. Musicalement, il n’a rien à
voir avec l’Indochine des débuts, avec les cloches chinoises et sons de
Dominique Nicolas, particulièrement audibles dans le gong d’une chanson comme Le Baiser.
Mais ce compositeur de génie
ayant quitté le groupe dès 1994, une telle différence musicale ne saurait expliquer à
elle seule le tournant que constitue Paradize. En effet, il reste les années 90 !
Les sons de Wax (Kissing my Song),
et surtout de Dancetaria (Stef II, Astroboy avec une interprétation marquante dans le 3.6.3)
sont déjà très proches de l’album qui suivra. Logique, puisque Oli de Sat a fait les arrangements de Danceteria et composé la quasi-totalité des morceaux de Paradize.
Bon alors, Ed, pourquoi
y aurait-il un avant et un après ce dernier si la raison n’est pas
musicale ? Et bien tout simplement parce que le succès n’est pas comparable.
Certes, Indochine a toujours eu, à la fois objectivement et selon les propos
répétés de Nicolas Sirkis, « le meilleur public du monde », mais
entre les petit concerts de la tournée Nuits
Intimes et le Bercy de ce fameux 3 juin 2003...vous avouerez que cet album
a agi comme un sacré bulldozer. Oubliée la ringardisation du groupe par la
presse : les chiffres, les records – de vente d’album et de remplissage de
Bercy pour un groupe français – forceront tout ce petit monde médiatique à
mettre ses moqueries de côté pour s’incliner devant l’« âme »
Indochine et l’éternelle jeunesse de son leader charismatique et adoré.
Comme si cela ne
suffisait pas, ce dernier veut rendre à son public ce qu’il lui a donné et se
bat pour maintenir des places à 30 € ; 40 seulement pour le 13 Tour au dispositif pourtant
monstrueux.
Le 13 Tour – show du 17.01.2018 à l’AccorHotels Arena
Pour savoir de quoi on
parle, tapons directement dans le factuel. Voici donc la set list du concert :https://www.setlist.fm/setlist/indochine/2018/accorhotels-arena-paris-france-4bee2b92.html
Les premiers articles sur le concert d’ouverture de la tournée, à Epernay, ont
trahi une petite révolution dans l’histoire du groupe. Monsieur Sirkis a
décidé, à 58 ans, comme ça sans prévenir personne, de se teindre les cheveux en
blond platine. Surprise : ça lui va à ravir. Comme quoi. L’hommage assumé
à David Bowie ne s’est pourtant pas limité à une simple couleur de cheveux
puisque les chansons du Thin White Duke retentissaient dans l’immense salle
parisienne juste avant l’arrivée d’Indochine. Immense ? Oui. Surtout avec
la configuration en place – rappelons que la scène est modulable – et lorsqu’on
se retrouve tout en haut, à des années lumières de la scène. La position de
plongeon dans la foule était vertigineuse et donc plutôt désagréable pour un
concert. En arrivant à sa place, on imagine que l’on va s’habituer, mais rien n’y
fait : je suis restée légèrement mal à l’aise jusqu’à la fin du concert. L’acoustique
et la situation géographique de cette salle ont beau être excellentes, les
places en gradin me semblent bien trop « verticalisées » par
rapport aux autres enceintes à forte capacité que je connais (ex : BarclayCard
Arena de Hambourg, Galaxie d’Amnéville).
Les aspects pratiques ainsi évacués, passons au vif du sujet.
L’introduction intersidérale
au concert était matérialisée par l’imitation d’une soucoupe volante au
plafond, dont nous n’avons pu profiter compte tenu de notre positionnement, j’insiste,
peu avantageux. Or ce petit spectacle son et lumière, sans doute magnifique, n’en
finissait pas d’introduire la chanson Black
Sky
et l’arrivée – enfin ! – de Son Goku transformé en Super Saiyan.
Vêtu d’une sobre petite veste noire à paillettes, le Dorian Gray du rock français
était plus élégant et sexy que jamais. Après avoir enchaîné tranquillement quelques
titres de 13, dont le tube La vie est
belle,
et les deux meilleures
chansons du très bon Alice&June, il
a fendu la foule et monté les gradins pour un Tes yeux noirs « tout en émotion ».
Vous suivez toujours la
set list ? Bien. Alors vous vous imaginez que le public - de tous les
âges, de tous les styles et de toute la France – s’est déchaîné au numéro 15 ?
Supputation validée, sans surprise.
Même si, petite
déception personnelle, l’écrasante majorité des titres était issue de l’album
13 avec seulement deux chansons de Paradize,
ces dernières ont été magistralement interprétées. La version acoustique d’Electrastar, première chanson de rappel
marquait ni plus ni moins que le summum
de ce concert à mes yeux.
L’indétrônable J’ai
demandé à la lune a quant à elle bénéficié d’une très jolie mise en scène
avec avancée des deux guitaristes tout au bout de la branche principale de la
croix scénique pour rejoindre Nicola.
Ensuite, deux des plus grand tubes
historiques du groupe se sont enchaînés – Trois
nuits par semaine et L’aventurier.
Le public le plus divers qui soit jubile.
Alors pour conclure, je
dirais que ces deux heures et demie ne pouvaient être mauvaises puisqu’il s’agit
d’Indochine, le plus grand groupe français. La force de ses chansons, de l’interprétation
de certaines d’entre elles par un Nicola en position allongée et la beauté des
images diffusées sur écran géant nous ont forcées à passer outre les beaufs du
rang juste devant nous, la chute parfaitement horizontale quatre rangées plus
loin du beauf en chef – quand je parlais de configuration trop vertigineuse des
gradins ! -, leur odeur insupportable de bière et de conséquences aérophagiques
intempestives, sans parler de la cigarette du beauf adjoint avant son expulsion
définitive par la sécurité. Oui, la qualité du spectacle m’a bien fait passer
outre toute cette merde. Alors merci la légende Nicola. Oui tu as un « putain
de public », non cette tournée n’est pas « trop fatigante pour
ton âge » car tu n’as pas d’âge. Un mythe n’a pas d’âge.
Conclusion :
Pour des raisons d’emplacement,
de préférences personnelles en matière de chansons et de contingences
insupportables évoquées dans le paragraphe ci-dessus, ce concert n’arrive tout
de même pas à la cheville du précédent pour 2018.