1. "Le niveau de nos politiciens est médiocre car les Français sont
un peuple médiocre." Bernie Bonvoisin, Rock and Folk, avril
2017
"Comment en suis-je arrivée là ? Plus
rien ne m'extasie (plus rien ne m'intéresse même) à part le rock and roll. D'ailleurs,
c'est une musique de vieux. Je dois être la seule quadra à ne vouloir vivre que
pour ça, comme cela devait se faire dans les années 70. J'étais sous le charme
de Ségolène Royale en 2007, j'ai pris ma carte du PS la même année, voté
Hollande 5 ans plus tard avec conviction, et aujourd'hui, alors que ma patrie
est au plus mal, je m'abstiens.
- Les deux sont sans doute liés, mais
pensez-vous qu'un tel désintérêt soit dû à une déception vis-à-vis de la
politique, et plus généralement du monde, ou à un vide existentiel intime qui
se traduit par une abstention ?"
Je ne payerais pas une fortune pour te
raconter ma vie si j'avais la réponse, ducon. Cette séance fût la dernière car
ce psy me donnait trop l'impression de masquer son incapacité à m'aider par la
prescription d'anti-dépresseurs et l'amoncellement de questions en fin de
séances aussi inutiles que déroutantes. Vingt ans après ma thérapie
comportementale et cognitive réussie contre mes crises d'angoisse, j'ai tenté
de retrouver un professionnel du même calibre que celui qui m'avait sauvé la
vie à l'époque. En vain. Sans doute parce que cette fois-ci, mon mal-être
psychologique ne se traduisait par aucune manifestation physique contre
laquelle il fallait lutter. En ce jour historique du 23 avril 2017, il s'était
matérialisé par une honteuse et molle abstention au terme d'une campagne
présidentielle suivie avec le plus grand intérêt pétri de dégoût et
d'incompréhension. Depuis mon retour d'Allemagne il y a dix ans, je n'étais
jamais vraiment parvenue à saisir les spécificités de mon pays et mon grand
handicap qui consistait à vouloir tout comprendre m'empêchait de me
ré-intégrer. Cette campagne des caniveaux, entre un candidat de droite promu
pour sa supposée blancheur et qui s’était avéré aussi pourri qu’un président de
la République de droite, une candidate d’extrême-droite light dont le discours
national light-socialiste fat était matraqué à un électorat fragile pour
masquer des connaissance économiques ultra-light, un facho apparatchik grincheux et germanophobe,
un socialiste trop honnête pour avoir la moindre chance face aux Français et un
jeune fondateur de start-up qui réussissait à nous faire croire avec son physique
de communiant que tout le monde allait être heureux après son accès au pouvoir.
Je suis née un 21 janvier et ne risque pas
d’oublier le symbole de cette date, contrairement à mon peuple médiocre. Je n’attends
pas tout de l’État, je ne demande pas à mon président d’avoir l’allure d’un
monarque pour mieux décider de tout, je ne me passionne pas pour les
présidentielles tout en grognant « Tous pourris ! » pour ensuite me désintéresser
des législatives, je ne trouve pas normal que mon président marche pendant 100
ans pour atteindre son pupitre devant la pyramide du Louvre, je trouve les
cérémonies de passation de pouvoir et les défilés du 14 juillet aussi inutiles
que soporifiques. Et surtout, je ne crois pas tous les cinq ans que les choses
vont se métamorphoser pour le meilleur avant de cracher à peine un mois plus
tard sur l’heureux que j’ai élu. Réflexe de petit peuple opprimé d’Ancien
régime dont l’admiration pour son roi n’a d’égal que sa critique systématique
et irréfléchie. Pourquoi avoir coupé la tête de ce pauvre Louis XVI si c'est pour rechercher désespérément un Louis XIV dans chaque président de la...RÉPUBLIQUE ?
Alors comment m’intéresser à l’existence
tout court si je n’éprouve que du mépris pour la vie politique de mon pays et
son peuple ? Je ne trouve pas ça anodin. « Si tu ne viens pas à
la politique, c’est la politique qui viendra à toi. » Cette phrase de mon
père m’a toujours accompagnée car les faits ne cessent de lui donner raison. Si
tu ne t’intéresses pas au conflit syrien et que la montée de l’islamisme
radical en France ne te touchent pas plus que ça, t’inquiète pas que les balles
de ces grosses merdes de terroristes, elles, sauront te toucher. Se
désintéresser du monde qui nous entoure et façonne progressivement notre
quotidien au travers de coups brutaux porté à notre figure d’enfant gâté apathique
de l’Occident n’est-il pas une aberration en soi ? L’abstention n’est-elle
pas le sceau d’un nihilisme individuel latent ? Ne plus croire en rien. Ne
plus pouvoir faire de choix. Même le choix du moins pire constitue un effort
insurmontable. Désespérer de la politique c’est désespérer de sa propre vie sur
cette putain de Terre.