Il est question d’un moment de grâce
similaire à celui-ci dans le sens où le
temps se suspend, le quotidien n’a jamais existé et la pensée de la journée de
travail du lendemain traverse votre esprit à la manière d’une étoile filante.
L’évanescence (non pas le groupe-arnaque des années 2000) de l’astre n’a d’égal
que son caractère irréel, tout comme l’idée même que cette soirée puisse
avoir une suite, des transports en commun à attendre, une nuit de sommeil qui
s’achève par un réveil difficile une poignée d’heures plus tard. A-t-on
vraiment vu cette étoile filer dans le ciel ? A-t-on vraiment senti filer
cette pensée dans notre esprit alors que dans cette Barclay blablabla
O2-Arena tout est Just Like Heaven ?
Voilà, le titre est lâché alors
redescendons deux minutes pour parler concret : la setlist. Et bien aucune
surprise, les tubes s’enchaînent pendant ces trois petites heures d’un show
trop court. Et c’est tant mieux ! Je n’ai pas une seule seconde espéré
entendre ce soir-là les sublimes morceaux du chef d’œuvre Pornography, et a fortiori mon préféré : A Strange Day. Non. Ce soir-là l’immense, tant par le gras que la
légende, Bob et l’ancien beau-gosse Gallup, si ridicule dans son accoutrement
de vieux rockeur qu’il en devint attendrissant, jouent principalement les
chansons de leurs trois albums les mieux vendus : The Head on The Door, l’incoutournable Kiss me, Kiss me, me Kiss me et biensûr Disintegration. Mais deux interprétations du jeune The Cure ont
retenu mon attention.
Shake
Dog Shake avec les ombres agitées des membres du groupe sur écran géant. Excellentes
lumières et projections tout au long du show soit-dit en passant, et un rôle
non négligeable joué dans l’ambiance onirique qui a porté pendant trois heures
cette immense salle remplie.
Et surtout, oh surtout, mon Dieu ! A forest. Je crois que pendant ces dix
minutes de fusion indescriptible entre les deux piliers du groupe nous ont tous
scotchés dans la salle. Incroyable, ahurissant, sublime, planant : si je
me souviens bien, ma bouche était restée ouverte de stupéfaction pendant
quelques instants et j’ai bien failli chialer tellement c’était bon. D’ailleurs
tous les commentaires laissés sur cette vidéo par quelques autres spectateurs
confirment que c’était indéniablement le clou de la soirée.
En vrac :
Pictures of you m’a ravie, réel plaisir d’entendre Charlotte Sometimes que je n’avais pas écouté depuis des
lustres, Just Like Heaven ne décrivait non pas le sentiment amoureux, mais
clairement ce que je ressentais pendant l'ensemble de la soirée. C’est justement la
définition d’un bon concert : une communion si parfaite entre des
musiciens généreux et leur public que ce dernier vit pleinement l’instant
présent. Une chose si rare à notre époque de course permanente après le temps.
Le troisième rappel était excellent : le fameux The Lovecats jazzy m’a fait kiffer pour des raisons évidentes, Friday I’m in
Love m’a fait sourire de mignonnerie, et la fin explosive dans le plus popy que
jamais Why Can’t I be You a pérennisé les étoiles que ce concert m’a mis dans
les yeux.
Mention spéciale à :
Jason Cooper qui, comme beaucoup de
batteurs, nous fait regretter qu’un si grand sex-appeal puisse être caché
derrière un si grand instrument. Lui n’a pas morflé.
Un public de quadras ému devant le
groupe de sa jeunesse et qui a eu, contre toute attente, le bon goût de ne pas
se déguiser en Robert Smith. Donc nostalgie, mais avec parcimonie.
Robert Smith donc, son flegme
britannique, la voix la plus reconnaissable de l’histoire de la musique pop, voix
aussi intacte que son look. En effet, cette « Liz Taylor pochetronnée » (3'47) pour certains
ou « la meilleure grand-mère » pour
une presse allemande dithyrambique suite au concert du lendemain dans la capitale approche de la soixantaine. Néanmoins, offrir
trois heures de sublime à Hambourg le lundi et trois heures trente de, d’après
les fans qui ont assisté aux deux, moins sublime à Berlin le mardi c’est ne pas avoir d’âge. Ne
pas être le leader d’un groupe phare des années 80, mais juste une légende.
Merci Liz.